Très chers patients, notre amie Enriqueta a l’honneur de nous inviter
A l’hôpital des Croqueurs où nous serons tous malades le Lundi 20 Avril :
Elle voudrait qu’on lui raconte une histoire de malade
Ou de médecin ou de pharmacien ou d’hôpital ou de médicament… ou un mélange.
UN TOUT PETIT RIEN
La maladie me fait si peur
Elle tue le bonheur
Quand elle nous tombe dessus.
Pourquoi moi je me le demande ?
J’attends.
Les bruits de machines les voix étouffées,
Et moi.
La vie, la mort autour de moi
Faites qu’elle ne s’arrête pas
Qu’elle m’épargne !
Qui n’a pas vécu cette angoisse,
Cette attente,
Ce grand moment de solitude,
Qui nous prépare à une chose
Que nous ne connaissons pas.
Dont nous n’avons même aucune idée,
Ne pourra comprendre ces quelques mots
Griffonnés à la hâte pour tromper
La peur envahissante au fur et à mesure
Que les minutes s’égrènent !
Les mains moites, les aisselles humides
Nous attendons fragiles et vulnérables
Assis sur le bord des fesses
Le corps en détresse.
Une voix m’a dit : attendez quelques instants
Nous viendrons vous donner les résultats
Allez vous installer dans la salle d’attente.
Ca fait des minutes que j’attends,
Presque une heure que je suis là,
Diminuée, tremblante.
Je n’ose regarder autour de moi
Des malades perfusés, des lits médicalisés
Je suis vraiment dans un couloir d’hôpital.
Et cette télévision haut perchée
Qui diffuse un feuilleton insipide
Que personne n’écoute ni ne regarde.
Trop haute pour ceux qui sont assis
Et inutile pour les alités.
Mon dieu, je ne crois pas en toi !
Mais fais que vite sur mon sort
Je sois fixée
Surtout que l’on ne vienne pas me dire
D’une voix musicale : un tout petit rien
Madame, ce n’est qu’un tout petit rien.
Pourvu que cette phrase reste derrière
Ces portes blindées ! et que souriante
Une dame en blanc me murmure :
Tout va bien madame.
En attendant, personne ne vient
Et j’ai peur !
Un homme tousse, une femme se mouche
Une autre toute pâle essaie de retrouver son souffle,
Essaie simplement de survivre
Encore un peu, couverte de tuyaux,
de perfusion et le souffle court.
J’écris, je tremble, le buste raide
Je frissonne de froid ? Non,
Je pue l’angoisse et la peur, je le sens
Cette attente est inhumaine.
Une heure est passée, je suis toujours là
Un autre malade est arrivé dans le couloir
Il traîne sa bouteille d’oxygène, il est livide,
Il marche avec une canne.
Peut-être bientôt ferai-je partie de ceux-là ?
Je rejoindrai peut-être cette horde de malades en partance
Désabusés mais pleins d’espoir …
D’un peu de vie….
Madame D ? Voilà vos résultats
Nous vous conseillons d’aller voir votre médecin
Devant la terreur que doit refléter mon visage
La dame en blanc ajoute :
Oh ! ce n’est pas grave, un petit rien
Un tout petit rien, mais il vous expliquera
Bonne journée madame !
Comment puis-je passer une bonne journée ?
Il va me falloir attendre encore ?
Je vais lire les résultats puisque je les ai là…
Dans une grande enveloppe bleu ciel
Je lis en marchant vers la voiture
Je ne comprends pas un mot !
Pourtant c’est de moi qu’il est question ?
De mon corps ? Je baisse les bras,
Je souris vaillamment à celui qui m’accompagne :
On m’a dit qu’il n’y avait qu’un tout petit rien.
Nous attendrons de savoir ce qu’est, ce petit rien…
Sûrement rien
Sinon ils me l’auraient dit hein ?