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Le blog de Marie Chevalier

Le blog de Marie Chevalier

un blog pour mes écrits et pour y recevoir mes amis

Publié le par marie chevalier
Publié dans : #défis croqueurs de mots

Imaginez que vous êtes un arbre (chêne, bananier, charme, ce que vous préférez) et racontez votre histoire en une trentaine de lignes.

Au début de votre texte, vous insérerez une citation ou un proverbe relatif à un arbre.

 

 

 

Ne coupe pas l’arbre qui te donne de l’ombre (proverbe arabe).

 

Cela n’a  jamais été si vrai qu’aujourd’hui.  Yvan s’était assis le dos appuyé à mon tronc. Il faut dire que j’étais un solide vieux poirier, plus que centenaire, qui ne donnait que des  petites  poires immangeables tellement elles étaient dures et acides.  Combien de fois dans son enfance s’était-il réfugié au pied de moi  pour  profiter d’un peu d’ombre ! Parfois ses parents venaient avec lui et s’installaient sur des petits fauteuils  pliants. Le père  somnolait  la tête en arrière et  sa mère tricotait. Ils étaient bien.  La forte chaleur  était si douce à l’ombre de mes branches qui permettaient ainsi à toute la famille d’en profiter.

Les villageois  disaient qu’autrefois, on faisait de la gnole avec mes fruits et  parfois également on les donnait aux animaux.

Personnellement, Yvan, en short  le dos bien appuyé à mon écorce rugueuse était loin d’avoir  des idées ludiques.  Il allait attaquer mon ascension après avoir pris un casse-croute à la rillette.  Il s’était entouré la taille d’une corde très serrée et  la scie à la  main, avait décidé de me tuer.

Une petite voix, lui disait qu’il ne devait pas, qu’il s’agissait d’un trésor familial,  qui avait vu naitre et mourir plusieurs générations, que ce n’était pas bien. On doit respecter les arbres, ils sont utiles, ils  nous  protègent…

 Il  s’en fichait. Il se releva, mit  ses oreillettes, attacha la corde le plus haut possible autour de mon tronc  et commença  à escalader, me piquant de ses crampons. Il était jeune et agile comme un singe disait sa mère  et il le  prouvait en grimpant très rapidement  au sommet.  Il faut dire que maintenant, sur ma dernière branche assez  grosse pour le soutenir, il devait être à six mètres du sol.

On avait l’impression que les oiseaux se taisaient.  On n’entendait plus que la scie électrique sans fil qu’il manipulait avec dextérité.

Mes branches tombaient une à une jusqu’à ce qu’il ne reste de moi qu’un grand tronc  seul, dénudé. 

Yvan descendit doucement et  arrivé à terre, il leva les yeux et  parut satisfait de son ouvrage.  Il transpirait et avait tout à coup la tête qui tournait.  Le soleil sans doute ?  Il aurait dû se  protéger du soleil.  Mais il ne l’avait pas fait. 

Il tomba  comme une masse à mon pied et  entendit une voix  lui dire : tu n’aurais  pas dû …  était-ce moi qui lui parlais?  Bien sûr ! Et pourtant ce n’était pas possible, un arbre ne  parle  pas. 

Il essaya de se relever, mais retomba. 

Il mourut seul, allongé au bas de ce bout de bois qui finirait sans doute bientôt dans la cheminée. Je l’avais pourtant protégé  toute sa vie du soleil et des insolations.  Tout le monde  pensa (à juste titre)  que  je m’étais vengé. 

Certains soirs  quand  les  parents venaient se recueillir  à l’emplacement  où était mort leur fils, Ils levaient la tête devant cette colonne  fissurée, ridée et  pas un n’osait  appeler un bucheron pour enlever ce qui restait de ma splendeur. Ils rentraient très vite en se couvrant la tête d’un journal ou d’un chapeau.

Ils se rappelaient sans doute ce proverbe lu quelque  part : Ne coupe pas l’arbre qui te donne de l’ombre…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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