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Le blog de Marie Chevalier

Le blog de Marie Chevalier

un blog pour mes écrits et pour y recevoir mes amis

                                                   C’EST FETE !

 

 

 

 

Depuis quatre jours le brouillard ne s’était pas levé. Il avait fallu allumer la lumière toute la journée et malgré cela l’atmosphère était très triste.

 

Ces fêtes, que Michel détestait étaient là. Il était allé chercher quelques victuailles à la grande surface de la ville voisine, accompagné en voiture par un fermier aussi solitaire que lui, mais n’avait rien trouvé qui lui convienne. En effet, ses moyens modestes ne lui permettaient pas de s’acheter tout ce qui s’étalait d’une façon impudique: les dindes aux cuisses écartées, les gigots de biche, les steaks d’autruche, les cuisses de chevreuil, tout cela lui donnait envie de vomir.

 

Il admettait à peine que l’on tue le cochon pour qu’il puisse manger une tranche de jambon, alors tout ce carnage pour deux jours de fête dans l’année le hérissait.

 

Il avait bien fallu qu’il se décide pourtant, et il craqua pour une petite tranche de saumon fumé et une douzaine d’huîtres : il adorait les huîtres, mais pas celles de cette grande surface, élevées dans n’importe quelle eau mais celles qu’il mangeait petit, dans la baie de Somme.

 

A ce souvenir, il eut envie de rendre son achat, et finalement ne prendre que des filets de harengs sous - vide . Bof c’était Noël ! il pouvait faire une petite entorse.

 

Il savait que la télévision ne serait pas encore pour cette année et sûrement pour jamais d’ailleurs car il allait avoir 80 ans et il s’en était bien passé jusqu’à maintenant alors ?

Mais ce soir c’était « fête » disait-on partout, alors il fallait bien essayer de rester « dans le coup » n’est ce pas ?

La radio allait diffuser un concert des valses de Vienne et il en raffolait, alors il se voyait très bien attablé devant son saumon et ses huîtres et l’œil dans le vague se repaître de cette musique grandiose.

Quand il déballa ses maigres achats sur la toile cirée de sa table de cuisine, il regarda autour de lui et se dit : merde je n’ai pas pensé au vin ! il n’allait quand même pas boire de l’eau ce soir avec ces fruits de mer ! Mais alors comment faire ?

 

Il était hors de question qu’ il dérange de nouveau Hubert, le fermier, qui devait être occupé à la traite de ses trois vaches. Il était furieux ! il fallait vraiment être con pour avoir oublié l’essentiel ! et ce n’était pas la première fois qu’il se rendait compte qu’il oubliait les choses. Oh! bien sûr en réfléchissant pendant des heures, il finissait par se rappeler ce qu’il avait fait la veille mais c’était très dur quand même.

Il faut dire que Michel faisait partie des phénomènes du village : il pouvait à n’importe quel moment vous dire la date de naissance ou de décès ou même de mariage d’un habitant du village.

On l’invitait souvent avant, dans les festivités de la mairie ou des associations, il en était l’attraction :

 

- Michel en quelle année est né Adrien ? en  1913 et il est mort en 1998

- Oui !!! Hurlaient ceux qui avaient connu Adrien.

Et c’était ainsi toute la soirée.

Pour le faire parler, il fallait peu de chose, le « brancher » sur la vie chère. Là on en avait pour des heures, tout y passait mais jamais hargneux, il constatait c’est tout. Il s’insurgeait un peu mais revenait vite avec le sourire expliquer que pour lui, l’important étant d’avoir un toit et du bois dans son jardin pour pouvoir alimenter sa cuisinière qui marchait jour et nuit.

 

Ce soir 24 décembre, cela aurait pu être un petit plus mais il fulminait en ouvrant ces saloperies d’huîtres : ah il ne fait pas bon vieillir marmonnait-il ! On n’a plus la main, je vais bien me blesser avec ces sales bestioles. Mais non tout se passa bien et après avoir vidé l’eau et mis les huîtres au frais, sur une vieille table branlante près de la porte d’entrée afin qu’elles refassent du bon jus, (ça c’était son grand-père qui lui disait toujours cela) il s’installa à table et commença à arroser son saumon de jus de citron. Hélas ! Il s’en voulait toujours de ne pas avoir un peu de vin blanc pour au moins ce Noël !

 

Il s’endormait presque devant son assiette pleine quand il se souvint que ses voisins, de jeunes parisiens étaient partis à la montagne pour les fêtes. Et comme il avait les clés de la maison…. Oui mais ce ne serait pas bien… ils n’étaient là que le week-end et n’avaient peut-être pas de vin… comment le savoir sans y aller voir ?

 

Et puis zut cela ne leur manquera pas puisqu’ils ne sont pas là et moi je commence vraiment à me dire qu’un Noël sans une petite goutte de vin c’était trop triste.

Il se leva, enfila sa grosse canadienne, prit sa canne, et son chapeau et sortit.

Ses voisins étaient à deux maisons de la sienne, une petite bicoque à retaper mais ma foi, ils en étaient très contents et y venaient toutes les semaines. Ils avaient tout de suite sympathisé avec Michel et de fil en aiguille lui avaient confié les clés au cas où…

 

Ce jour -là était arrivé : il allait visiter la maison, voire même descendre à la cave, s’il ne trouvait rien dans les placards. Ce serait bien le diable qu’ils n’aient pas une bouteille de vin, même du rouge, il était prêt à tout. La gorge sèche, il éprouvait comme un besoin d’alcool, lui qui ne buvait jamais ou presque. Mais ce soir était différent, c’était « fête »

Quand il arriva devant la maison des Deribourg, il jura encore : merde ! j’ai oublié les clefs !

Boitillant, il retourna chez lui et chercha dans le tiroir du buffet de cuisine et ... pas de clef ... pas possible cela, il était sûr de les avoir mises là pourtant !

 

Il fouilla retourna le contenu sur la table poussa son assiette rageusement mais trop fort, et elle tomba entraînant le saumon fumé. Michel était sûr de lui, son carrelage, son pavé comme il l’appelait était très propre il l’avait lavé ce matin. Il se mit donc à genoux et ramassa tant bien que mal les éclats de l’assiette tout en sauvegardant la tranche de saumon qui n’avait pas souffert de la chute.

 

Il eut du mal à se remettre debout, il se cramponnait à la table et quand enfin il fut sur ses jambes il eut un malaise : la tête lui tourna et il lui fallut un moment avant que tout redevienne normal. : fichue tension, pensa-t-il , un jour ça va me jouer des tours !

 

En attendant, il n’en démordait pas, il fallait qu’il retrouve ces clés !

Il remit sa canadienne,  fouilla ses poches et comme il s’en doutait un peu, elles étaient au fond de l’une d’elle. C’est encore ma foutue tête qui partait sans moi ! je ne tiendrai plus longtemps comme ça, ils vont m’enfermer c’est sûr je vais devenir trop dangereux c’est ce qu’ils disent tous ! Admettons que je fiche le feu à la maison ? Hein ? Ce serait moindre mal si je meurs dedans mais si je mets le feu à la maison d’à coté ? C’est grave.

Il était tout retourné de s’être rendu compte une fois de plus qu’il avait perdu la mémoire. Bien sûr, pour l’instant cela ne durait pas mais qui sait ?

Il se retrouva donc de nouveau devant la maison des Deribourg et ouvrit. Cela sentait le renfermé et l’humidité. Avec une lampe électrique qu’il trouva accrochée près de la porte d’entrée, il commença son inspection : d’abord les placards de la cuisine : rien

Puis sous l’évier : rien...  Ils n’ont quand même pas planqué leur pinard dans les toilettes ou dans leur chambre !

Il alla voir quand même : rien

 

Bon il me reste la cave j’aurais du y penser plus tôt !

 

Il sortit et la porte de cave était juste près de la porte de cuisine, dehors.

il l’ouvrit avec difficulté car le bois avait joué et le verrou coulissant ne glissait pas très bien. Il y alla de toute sa force et enfin y arriva.

 

Prudemment, la lampe de poche à la main, il commença sa descente sur des marches pleines de terres molles et glissantes. Ah ! Ces caves de campagne quel casse –gueule, pensa-t-il en se tenant au mur.

 

Marche par marche, il arriva sur la terre battue de cette cave voûtée en craie du pays. Et là il se dit qu’il trouverait son bonheur, en effet des dizaines de bouteilles pleines étaient bien rangées, en pyramide, le long du mur suintant d’humidité.

 

Il se pencha vers celles qui lui paraissaient le plus accessibles, et en voulant prendre celle du dessus, il perdit l’équilibre et s’affala. 

Cela fit un bruit épouvantable et il se dit que toute la rue devait avoir entendu.

 

Il ne réussit pas tout de suite à se rétablir, forcément les bouteilles roulaient sous lui et n’étaient pas toutes cassées.

Quand il parvint à se redresser, sa lampe de poche avait, elle aussi roulé beaucoup plus loin. Il était dans le noir absolu. Il perdit complètement la notion des lieux et surtout son sens de l’orientation.

Il n’osait plus faire un pas de peur de tomber de nouveau et peut-être même se faire très mal sur les tessons éparpillés dans toute la cave.

Debout, les deux mains contre le mur, arc -bouté, il eut de nouveau un malaise mais cette fois, il se laissa glisser au sol, sans force.

Il se vit partir et sourit : ils vont en faire une tête demain quand ils vont me retrouver, baignant dans le vin et puant comme si je m’étais immolé !

 

On ne le retrouva que trois jours plus tard, au retour des Deribourg.

Sa tête ne baignait pas dans le vin mais dans du sang séché qui s’était échappé de ses tempes lorsqu’il était tombé sur un tesson de bouteille.

Ses huîtres puaient sur la table dehors près de sa porte de cuisine …

Son saumon fumé était vert …

 

Vive Noël …

 

  MC

 

 

 

 

 

                                     UNE MINUTE DE FOLIE

 

 

 

 

 

 

Voilà, ça y est ! après être allé à la gare la plus proche, j’ai pris enfin mon billet, je l’ai composté il y a deux minutes et je monte dans le train, seul. Comme tout bagage, un vieux et grand sac en cuir usagé, élimé mais bien pratique, et puis pour ce que j’emmène pas le coup de m’enquiquiner !! un slip de rechange et une brosse à dents, et surtout quelques feuilles de papier blanc, un stylo à plume et un crayon. Je veux coucher sur ce papier, mes dernières impressions de voyage.

J’ai tellement pris le train, tellement voyagé pour mon travail, toute ma vie ! Tellement été bousculé par des gens encore plus pressés que moi !  que cette fois, je m’assois,  plus serein que je ne l’ai jamais été. C’est en effet une sorte de décontraction que je ressens, une détente  de tout mon être délicieusement jouissive cette sensation d’ailleurs.

Il y a tant de temps que j’attendais ce moment ! je le préparais depuis des mois essayant de trouver un motif valable à mon départ : voir des amis ? trop risqué, ces amis nous étaient communs à ma femme et moi. Rencontrer des collègues ? Un peu « ringard » ! Je suis parti de mon boulot de mon plein gré, en disant à qui voulait m’entendre et m’écouter que je ne remettrais plus jamais les pieds dans cette boîte et que jamais, une fois parti, je ne retrouverais cette bande de « cons » avec qui je travaillais, alors peu crédible si j’inventais ce prétexte aujourd’hui ! ma femme  ne me croirait pas !

C’est vrai qu’elle a fait un peu la tête :

-  Tu pars encore avec ce Marcel ? mais tu ne peux plus te passer de lui ! surtout pour aller voir un match de foot au Stade de France ! enfin fais comme tu veux mais ne compte pas sur moi pour t’accompagner !


J’avais un peu insisté pour la forme, mais en pensant « pourvu qu’elle ne vienne pas ! qu’elle ne se décide pas au dernier moment ! »

 

- Tu as bien pris tes cachets pour ta tension ? me répétait-elle sur le quai  de la gare  où elle était venue m’accompagner.

- Mais oui, ne t’inquiète pas ! et Paris n’est pas si loin !

- Oui mais quand même il faut un dixième de seconde pour mourir !

- Merci de me rassurer avant mon départ ! Ironisai-je !

- Non mais tu sais que je me fais toujours du souci, tu n’as plus vingt ans, mon ange, il faut te ménager !

 

Et oui je n’avais plus vingt ans !! je ne le savais que trop ! soixante cette année ! une horreur ! et pourtant je me sentais en pleine forme physique et sexuellement je ne me plaignais pas ! mais oui, bien que l’on dise beaucoup de sottises à ce sujet !

 

Nous roulions de plus en plus vite, comme si le train  prenait son élan pour me rapprocher plus vite du but de mon voyage.

 

Je déjeunais avec Marcel puis je reprenais  un train pour Brest. Si si je devais le faire, il fallait que je la vois, il fallait que je  lui dise que notre aventure virtuelle m’avait vraiment fait du mal surtout quand elle m’avait écrit ce message atroce :

 

«  je ne pourrais jamais faire l’amour avec un vieux .. »

 

J’ai cru mourir mais je me suis repris. Avec orgueil, j’ai pris cette rupture avec dignité : «  soit, on fait comme tu voudras… mais tu as vingt huit ans, et tu sais le temps passe vite. Je te souhaite simplement de ne jamais oublier qu’un homme de soixante ans a refusé de te rencontrer pour ne pas te faire honte, pour ne pas te montrer son corps vieillissant malgré tout le soin qu’il lui  apporte par la gym, et par  le sport »

 

Mais elle avait été plus rapide que moi, dès que je lui avais avoué mon âge, que j’avais tronqué  jusqu’alors, elle m’avait  abandonné cruellement.

Rien que d’y penser, les larmes me viennent encore aux yeux.

 

Enfin me voilà dans le train de Brest, lui aussi semble écouter mon désir : plus vite, encore plus vite !

Je ne l’ai pas prévenue de mon arrivée pour lui faire la surprise. Elle n’y croyait pas, elle me croyait incapable de faire une infidélité à ma femme.

 

- Bien sûr, il y a le fait que tu as soixante ans, mais tu ne veux pas me rencontrer donc, avec ce plus tu penses bien que  bien entendu, j’arrête tout et je reviens vers mon mari et mes enfants que j’ai eu le tort d’oublier l’espace de nos échanges. Quand je pense que j’allais mettre mon ménage en péril pour rejoindre un vieux type comme toi ! tu imagines ma tête si nous nous étions rencontrés ? tu m’avais dit avoir trente cinq ans et déjà je te trouvais un peu vieux pour moi, tu te rends compte ! quel mensonge malsain et pervers ! En fait tu ne m’as avoué ton âge que lorsque j’ai insisté pour te rejoindre lors d’une de tes escapades à Paris, sinon tu ne me l’aurais jamais dit, quel talent ! se moquait -elle par messages.

 

Je somnolais dans ce train et me repassais sans cesse ce film dans ma tête. Comment effectivement, avais-je pu croire un instant qu’elle continuerait à me dire qu’elle m’aimait sachant cette différence d’âge ?

 

Pourtant, je me sentais des ailes dans ce train me menant vers elle, enfin j’allais  pouvoir la voir,la toucher.

 

J’arrivai à la gare de Brest et me fis conduire en taxi à l’hôtel que j’avais réservé quelques jours auparavant.

 

Je m’installai confortablement devant la table qui servait de bureau, sortit mes feuilles de papier et mon stylo plume.

 

Quand j’eus fini de m’installer, j’appelai immédiatement chez elle, heureux comme un jeune homme . Ce fut elle qui répondit. Je  ne  lui dis qu’une phrase :  - - Je suis là mon amour…

- Où ça là !!

- Près de chez toi à l’hôtel en bas de ta rue…

- Quoi ? tu plaisantes ? et qu’es-tu venu faire ? c’était clair, je ne voulais plus ni te parler et encore moins te rencontrer ! je ne peux pas aller te voir ! tu vois dans quelle situation tu me mets ? mais c’est inouï ! Mais te rends-tu compte !! hurlait –elle.

- Alors je viens chez toi !

- Non attends ! laisse-moi le temps ! je vais m’arranger…Mais tu es complètement dingue, je t’ai dit et répété cent fois que je ne voulais pas d’un vieillard dans mes bras, j’aurai trop peur qu’il ait un malaise !   ricana-t-elle.

- Viens lui dis-je une seconde fois.

- Bon j’arrive dans une heure.

 

Une heure passa, puis deux, puis trois. J’avais rappelé vingt  fois chez elle et à chaque fois, soit le téléphone était sur répondeur ou son portable sur messagerie vocale.

Je descendis et vint près de son immeuble, les volets étaient tous fermés.

 

J’avais perdu le contact avec elle. Je me suis soudain senti las, vidé , vieux, inutile. Et c’est à ce moment là que j’ai avalé tous les médicaments et fioles diverses que j’avais emmenés, au cas où les choses se passeraient comme cela.
Je pris les feuilles blanches et j’écrivis,  longtemps très longtemps.

 

C’est ce que vous êtes en train de lire mais quand vous les aurez en mains, c’est que je serai mort, inconnu dans une misérable chambre d’hôtel de la ville de Brest.

Elle ne le saura sans doute jamais mais de toute façon, qu’aurait-elle fait d’un vieillard de plus de soixante ans, elle en pleine jeunesse ?

 

J’aurais dû  continuer à lui cacher mon âge, j’aurais dû lui dire simplement que je n’avais pas l’intention de quitter ma femme pour une inconnue.

 

Mais c’est moi qui ai été pris au piège, c’est moi qui ne peux plus me passer d’elle maintenant et c’est moi qui en crève. Je sais qu’il est trop tard et que rien ne sera plus possible même  si je lui dis maintenant tout ce que je viens d’écrire !!

Alors je préfère partir. Je sais que je ne pourrai pas vivre sans elle.
mon dernier espoir était aujourd’hui. Nous nous rencontrions et elle me cédait ! quelle gageure ! Peut-on construire sur du mensonge !

 

Jusqu’au dernier moment j’y ai fortement cru

 

Mais elle n’est pas venue…

 

Ne me plaignez pas, il ne m’a fallu qu’une minute pour faire ce que j’ai fait… Une minute de folie !

 

 FIn

 

 

 

                                    

 

 

 

 

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