Défi n° 98 "Langage de fleurs"
On dit que les fleurs ont un langage, mais qu'en font-elles quand elles sont au jardin ?
Imaginez un dialogue entre les fleurs de votre choix, en tenant compte de ce qu'elles sont censées exprimer dans un bouquet.
Si les fleurs savaient parler
La nuit tombait, nous étions en juin. Il faisait une très grosse chaleur et nous avions été mal toute la journée. Je n’en pouvais plus d’être envahie par ces pucerons. J’attendais qu’enfin un être humain ose nous envoyer le jet d’eau discrètement pour évacuer toute cette vermine.
Les capucines n’en voulaient plus, elles étaient elles aussi saturées et on ne voyait plus leur jolie robe. Comme elles dormaient au rez de chaussée, forcément nous étions bien placées pour recevoir leurs locataires !
— Bonjour Madame Ronsard comment allez-vous ce matin me demanda ironiquement la fleur de trèfle qui s’épanouissait dans la pelouse. Pas trop de chaleur là-haut ? Pas trop de bestioles ?
—Cesse de m’énerver et de te moquer, forcément toi tu es bien tu es au frais dans cette herbe haute !
— Arrêtez de vous chamailler les filles, ça donne chaud !
— Tu as raison, ma petite coccinelle, je n’avais pas réfléchi que finalement tous ces pucerons sont ton bonheur et ton plat de choix !
— Dites donc pendant que je suis réveillée, nous interrompit la clématite, je voudrais bien que Madame Ronsard et ses collègues se poussent un peu. Vous piquez mes feuilles et de plus vous m’envoyez toutes vos odeurs. Les hommes n’osent plus nous sentir car ils ne voient que par vous.
— Dis-donc effrontée, tu n’avais qu’à pas t’entortiller sur nos petites branches ! Nous ne sommes pas allées te chercher. Est-ce normal que tu t’enroules ainsi sur nous ?
— Il faut bien que je me tienne quelque part, vous bien sûr vos bois sont solides, vous êtes lourdes, et nous légères, vaporeuses !
Le glaïeul, au pied du rosier buisson rouge vif, s’esclaffa : vaporeuses ! J’aurai tout entendu, as-tu vu ma hampe qui se dresse joyeusement vers le ciel, elle n’est peut-être pas vaporeuse mais je n’ai besoin d’aucun tuteur, et il s’esclaffa !
Nous étions en train de nous titiller pour rire comme nous le faisions tous les jours quand soudain un grand silence nous
enveloppa.
Même les oiseaux se turent !
La maîtresse de maison s’engageait dans l’allée de graviers et se dirigeait vers nous, un sécateur à la main.
— Mon dieu ! Murmura le glaïeul, à tous les coups avec la chance que j’ai, comme j’ai belle allure on va me prendre et je vais mourir dans une soupière !
— Moi je ne risque rien chuchota la capucine, je ne tiens pas sur mes tiges, et je pique du nez dès que l’on me cisaille !
— Tu crois que ça va la gêner maugréa la clématite, tu crois que moi je tiens debout, penses-tu ! Mais elle a plusieurs vases ne t’inquiète pas, elle trouvera bien de la place pour toi.
Effectivement, en deux minutes, nous nous retrouvâmes serrés dans une main nerveuse et les ciseaux à la main elle commença, après nous avoir éparpillés sur une table, elle commença dis-je à nous couper la queue en biseau.
Et puis l’une après l’autre, elle nous trempa dans de l’eau glacée qu’elle venait de tirer au robinet.
Cela fut fatal à la clématite, elle piqua du nez et tomba. Pas de problèmes, elle rejoignit
la poubelle avec nos pauvres feuilles qu’elle coupait ainsi au hasard, pour en laisser le moins possible.
Quand nous fûmes installés, elle nous regarda et à voix basse murmura : très jolies toutes ces couleurs, puis
partit en claquant la porte.
— Que faisons-nous les filles ? demanda le glaïeul ridicule avec une toute petite queue estropiée pour être à notre hauteur.
— Moi, répondis-je, je suis très bien là. J’ai l’habitude. Je ne vis pas longtemps alors autant que les yeux des humains profitent de ma splendeur à demeure.
— De toute façon, Madame Ronsard, elle a pris également vos sœurs, donc vous ne vous sentez pas seule. Mais moi, j’ai laissé mes enfants et ma famille là-bas dans mon parterre, et je sais que même si je ne meurs pas tout de suite, ce sera pour bientôt.
— Ne vous lamentez pas intervint une clématite qui s’était cachée derrière le glaïeul, j’ai une idée, on va tous s’enfuir.
— Comment cela ?
— Appelle le chat, toi le petit pétunia, tu le connais bien il te pisse dessus tous les matins, et dis-lui de venir renverser le vase par inadvertance.
— Très bonne idée, madame la clématite, répondit le pétunia, tout petit rabougri tenant à peine sur le bord du vase.
Le chat entra dans la pièce et d’un bond souple vint nous renifler. Un coup de dos mal placé et le vase chuta renversant toute l’eau sur la table !
— Bravo !
Nous essayâmes tous de nous relever mais ce fut impossible. Nos têtes trempaient dans l’eau sur la table et nous commencions à étouffer.
Nous sentions notre mort arriver et en effet la maitresse de maison après avoir grondé le chat, nous attrapa violemment et nous jeta dans la poubelle, sous l’évier.
C’était fini, après avoir été admirées, dorlotées, on nous massacrait.
Encore un décret de l’homme, les fleurs sont faites pour être jolies, dès qu’elles fanent on s’en sépare….