Elle marche à petits pas sans se presser
Toute sa vie défile derrière ses paupières.
Là, elle revoit les petits
Là, c’est son amour d’enfance
Qui la salue du bout de sa canne
Là encore son mari qui avant elle est parti,
Qui lui tend la main et lui sourit.
Oh ! Elle ne pleure pas
Elle survit doucement
En économisant ses gestes
Sa tête dodeline sans cesse
Ce qui fait dire aux gamins :
Elle est folle la maîtresse
Elle parle toute seule
Et ne nous reconnaît plus.
Pourtant, elle aurait pu si elle l’avait voulu
Les appeler par leur prénom
Pensez- donc comme elle en a élevés
De ces petits garnements !
Du plus petit au premier !
C’est l’institutrice du village
Que cet après-midi on enterre,
C’est pour cela qu’elle marche à petits pas
Les yeux clos déjà loin,
Elle va le saluer et lui dire
Ne t’inquiète pas je vais venir
Cela ne tardera pas
Laisse-moi une petite place
Là où nous causions, tu te souviens ?
Entre les Lefèvre et les Martin
Nous nous asseyions sur la tombe
Et nous nous disions en riant :
Ce n’est pas demain que nous serons là- dedans
J’avais vingt ans tu en avais douze,
Et pourtant ! Toi tu es venu, seul.
Mais je suis là, je t’accompagne
Et comme avant
Je te prendrai la main
Pour que nous n’ayons pas peur
Des feux follets et des démons
Attends-moi mon ami
Mon frère, et souris. Je suis heureuse
De te rejoindre bientôt
Tu me manques déjà
Je sens que je te rejoins
J’entends comme ils disent
La musique qui m’appelle
J’arrive…
fin