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Le blog de Marie Chevalier

Le blog de Marie Chevalier

un blog pour mes écrits et pour y recevoir mes amis

Publié le par marie chevalier
Publié dans : #mes nouvelles

Le dernier bain de Loana

Elle ne voulait pas se déshabiller et se mettre nue dans la salle de bains. Sa mère avait beau lui répéter qu’elles n’étaient que deux et que personne ne pouvait rentrer, il n’y avait rien à faire.

Loana n’avait que deux ans quand son père les quitta pour une autre femme. A priori, du peu qu’elle avait entendu en faisant semblant de dormir, il en ressortait que sa mère devenait de plus en plus négligée et sale. La gamine n’avait jamais pris garde car elle-même refusait de se laver. Elle s’habituait à cette odeur de peau sale et de linge sale et c’est seulement quand elle fut inscrite à l’école que les ennuis commencèrent.

Sa mère travaillait toute la journée et la réveillait tôt le matin pour la faire déjeuner et lui faire faire un brin de toilette. Elle s’énervait quand Loana hurlait qu’elle ne supportait pas l’eau, qu’elle avait peur. Maria avait du mal à tenir son sang-froid et la plongeait en pyjama dans la baignoire. — au moins tu auras quand même pris l’eau le reste partira avec la serviette —. Elle l’attrapait sous les aisselles et la frottait très fort. Une petite claque sur les fesses : aller zou ! vite ton pull à capuche et ton jogging bleu marine.

Quand elle voulut en parler à Emmanuel, celui-ci lui répondit qu’avec une mère comme elle, il était normal que la petite soit sale.

Vexée elle lui demanda d’en dire plus et ce jour –là, pendant que Loana enfilait tant bien que mal ses vêtements, ils se disputèrent pendant plus d’une heure. La gamine s’était assise sur son lit sagement, son cartable à ses pieds et se balançait d’avant en arrière en chantonnant.

Emmanuel était pourtant un homme charmant et sa nouvelle compagne ne cessait de vanter son caractère enjoué et heureux. Alors pourquoi quand il était marié avec la mère de Loana était-il si agressif et méchant ?

Il est vrai que Brigitte ne faisait pas beaucoup d’efforts pour lui plaire. Elle estimait que de lui tenir sa maison propre était déjà un grand plaisir qu’elle lui accordait, alors le reste ne le regardait pas. Un jour qu’il tenait Loana sur ses genoux celle-ci émit un petit cri et en riant cria : caca !

Le père affolé, la tenant à bout de bras la déposa sur la table de cuisine en appelant sa femme.

Quand celle-ci eut changé la gamine, elle se retourna vers son mari et le regardant bien en face lui dit : — tu n’es pas capable de changer une couche et tu voudrais me donner des leçons ? Sors immédiatement et va-t’en n’importe où mais je ne veux plus te servir de bonne. —

En fait cette altercation tombait à pic, il ne fut pas obligé comme il avait pensé le faire, de tourner autour du pot pour lui annoncer qu’il avait rencontré une autre femme. Et c’est ainsi qu’elles se retrouvèrent seules. Maria trouva un travail mieux rémunéré et elle put ainsi placer sa fille dans un établissement privé. Elle n’allait la chercher que le samedi midi. Elle avait remarqué que la toilette de Loana laissait à désirer mais elle même en pleine dépression n’avait même plus envie de se laver.

Cela se gâta quand la petite fille entra à « la grande école ». Maria reçut plusieurs lettres et la dernière était carrément une menace si elle ne faisait pas la toilette de sa fille. Tous les élèves disent d’elle qu’elle pue et croyez-moi ce n’est pas exagéré écrivait la directrice. Maria n’en tint pas compte. Elle s’enfonçait doucement dans une sorte de mal-être et restait des heures devant la télévision. N’ayant plus le gout à rien, elle finit par ne plus aller travailler et laissa tomber tout ce qui ressemblait à du ménage ou la lessive.

En classe, Loana ne comprenait pas les moqueries de ses petites camarades. Elles faisaient un cercle autour d’elle en lui chantant : Loana tu pues Loana ne se lave pas. Un jour qu’elle n’en pouvait plus, elle décida d’en parler avec sa mère. Elle rentra plus tôt de classe et frappa quelques coups discrets sachant que Maria dormait souvent.

Personne ne lui répondit. Elle était toute menue et en montant sur le rebord de la fenêtre elle pouvait essayer de débloquer la poignée. Sa mère se réveilla à ce moment –là et hurla de peur pendant qu’elle était en plein cauchemar. Sa fille en plein après-midi sur le rebord de la fenêtre elle rêvait c’était sûr !

— Mais enfin que fais-tu là à cette heure-ci ?

— Je ne veux plus aller à l’école tout le monde dit que je sens mauvais.

— Et alors ? ça t’empêche d’étudier ?

— Non… pas vraiment …

— Alors retourne à l’école sinon c’est moi qui vais t’y emmener avec une fessée.

Loana repartit et sur le chemin de l’école, elle ruminait. Comment allait-elle se sortir de ce bourbier ? Sa mère était encore plus sale qu’elle. Mais pourquoi ?

Elle n’arriva pas jusque l’école. Elle rencontra un petit camarade qui lui proposa de partir ensemble n’importe où du moment qu’il n’y avait pas de parents.

On les retrouva le lendemain noyés dans l’étang de la cité. Ils avaient retiré leurs vêtements et près du rivage, avec leurs affaires trônaient une savonnette et une serviette de bains neufs. C’est en voulant se laver qu’ils se noyèrent … ne sachant pas nager.

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