Le quotidien .À partir de cette citation :« Le train quotidien va bientôt dérailler, qui veut rester dedans n’a qu’a bien s’accrocher. »
Robert de Houx
En vous inspirant de ces mots, sans nécessairement les employer, écrivez un petit quelque chose comme vous l’entendez, dans la forme littéraire qui vous plaît.
Le train-train
Je n’en peux plus je crois que je vais craquer.
Madeleine, soixante ans, venait de se rendre compte qu’elle s’ennuyait. Oui seulement aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que Jeannot, son fils ainé venait de l’appeler pour lui annoncer son divorce ?
Mais qu’avaient-ils donc tous à la prendre pour la confidente, celle qui réconforte, celle qui souffre à la place des siens et celle qui est toujours debout quand l’un ou l’autre de ses deux enfants a besoin de réconfort. Mais elle ? Quelqu’un s’est-il inquiété de savoir comment elle allait ? Si elle était heureuse ? Si elle n’en avait pas assez de cette vie de routine ? De tout préparer pour que personne ne cherche où se trouvaient les choses que ce soit l’assiette pleine ou le pyjama lavé et rangé ?
Mais qu’était-elle donc pour sa famille ?
Une locomotive, qui tirait toute seule un wagon d’emmerdements, de cicatrices, de bobos, de chagrins… des autres… Car les siens personne ne s’en préoccupait !
Il y avait bien Justine, sa petite dernière qui venait de fêter ses vingt- cinq ans et qui s’occupait un peu du ménage et des courses, mais elle passait en coup de vent, toujours pressée, et pas le temps de se « poser ».
Pas une sortie au restaurant, pas de copains à la maison, pas d’animal de compagnie. Non tout cela était superflu et ils n’avaient pas les moyens de s’amuser, répétait sans cesse Julien, son mari.
Le pauvre, il s’était cassé une jambe sur le chantier il y avait de cela dix ans et ne pouvant plus vraiment assumer son travail il avait été mis tout d’abord en longue maladie puis au chômage.
Il était donc en permanence à la maison, ne sachant à quoi s’occuper, se faisant suer comme pas possible. Et le pire c’était quand il ressassait ses années de travail en tant que délégué du personnel. Il répétait qu’il avait été admiré, aimé et respecté à ce moment-là alors que maintenant il n’était plus rien, qu’un boulet.
Les mois passaient et rien n’éclairait leur horizon. Madeleine essayait de se cramponner, rassurant tout son petit monde mais quand Jeannot l’informa qu’il divorçait ce fut la goutte d’eau. Cela voulait dire que lui aussi allait venir pleurnicher dans ses bras, se faire cajoler. Elle craquait, elle saturait, elle en avait assez de cette vie morne, sans attraits, sans rires, sans joie.
Mais elle ne devait pas sombrer elle aussi. Il y avait assez de déprimés dans la famille ! Elle allait se reprendre en mains. Demain elle s’inscrirait à la piscine et demanderait à Régine leur voisine de l’accompagner. Ensuite elles iront au restaurant et puis voir un film pourquoi pas ? Ça changerait un peu, ça casserait la routine de cette petite vie et au moins pendant quelques instants elle vivrait enfin pour elle.
Elle parlait toute seule : vas-y Madeleine, ne te laisse pas faire, accroche toi, le train de ta vie est lent mais au moins tu es dedans avec les tiens alors courage !
Et c’est ainsi que l’on pouvait rencontrer deux femmes rieuses, élégantes, se rendant à pieds au restaurant « chez Adda » où une fois par semaine elles venaient déjeuner d’un bon couscous et d’une bonne bouteille de rosé.
La belle vie en somme, les journées se suivaient mais n’étais plus identiques. Madeleine se sentait utile, vivante et finalement heureuse d’avoir surmonter cette petite crise de déprime.