Au pied de la lettre
Quel drame terrible a
bien pu pousser celui qui a "réellement" donné sa langue au chat ? A partir d'une expression choisie dans le poème de Claude ROY Je vous invite à inventer une histoire en prenant
Littéralement une ou plusieurs de ces expressions
J'ai choisi: Lécher les bottes...
LE FAYOT !
Félicien est un homme extraordinaire. Il vient de fêter ses 60 ans et en parait cinquante. Il travaille dans une maison de confection de vêtements
féminins et son plus grand plaisir est de venir aux essayages sur mannequins. Le patron, un jeune homme tout frais émoulu des grandes écoles de commerce lui a déjà fait entendre qu’il
ne pourrait pas le garder indéfiniment dans son atelier
de couture étant donné son âge.
— Vous comprenez mon brave, je ne peux garder avec moi un homme du temps passé, j’ai
besoin de jeunes gens dynamiques, prêts à tout.
— Vous avez raison cher monsieur, vous avez effectivement des gens dociles et corvéables, disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre
n’est-ce-pas ?
— Je ne vous permets pas de juger ainsi vos jeunes collègues.
— Et moi Monsieur j’ai toujours dit ce que
j’avais à dire en face ne vous en déplaise.
— Cela me déplait, je vous demande donc d’aller à la comptabilité chercher
vos indemnités. Je cherchais un prétexte, je viens de le trouver : insulte à
supérieur.
Félicien, outré et furieux se retourna et cria :
— Ça ne va pas se passer comme ça, je vais en parler aux syndicats.
Tout cela aurait pu se terminer ainsi. Chacun
restant sur ses positions, on ne voit pas très bien comment Félicien pouvait s’en
sortir.
En fait il ne fut pas licencié, son savoir-faire et ses compétences
ne faisant aucun doute, il fut muté dans un coin de
l’entreprise, près de la cuisine, et s’il voulait garder son emploi, il ne devait plus faire parler de
lui. Il accepta car de toute façon, il lui restait un an à faire et il n’allait pas se rendre malade maintenant.
Son nouveau job lui laissait beaucoup de temps
libre et il s’organisa. Son plus grand plaisir était d’écouter les bavardages des employés quand ils
venaient se restaurer et boire un café au distributeur.
Mais ce qu’il préférait était l’attitude de Jean-Michel, une jeune recrue de trente ans, qui non seulement avait les dents longues mais était d’une servilité incroyable. Il s’était mis dans la tête
que son patron ne pouvait plus vivre sans lui. Alors il lui apportait le café tous les matins, courait lui acheter des revues de presse. L’autre se rendant bien compte
qu’il pouvait en faire ce qu’il voulait ne tarda pas à le prendre vraiment pour son domestique.
Félicien essaya bien d’expliquer au jeune homme
que tout cela était inutile, que demain un autre viendrait à sa place et que le patron
n’en avait rien à faire de ces petits services. Mais Jean-Michel n’en continuait pas moins à devenir de
plus en plus l’esclave. Il ne cessait de faire des compliments au vénéré
patron :
— Oh Monsieur que votre cravate est belle, sans indiscrétion vous l’avez achetée à
quel endroit ? Elle est parfaite et va très bien avec votre chemise…
— Merci mon vieux. A ce propos ça vous dérangerait de venir m’aider ce week-end, je dois tondre
ma pelouse et j’ai 2000 mètres carrés ?
— Pas de soucis Monsieur le Président, à quelle heure voulez-vous ?
— Le plus tôt possible, sans vous déranger
— Je serai là vers 8 heures du matin c’est
bon ?
— D’accord mon ami, je me souviendrai de
vous promis.
Et c’est ainsi que de plus en plus servile, le pauvre Jean-Michel lécha les bottes de Monsieur F. pendant quelques mois. Il voulait de l’avancement et surtout prendre la place de Félicien dès qu’il partirait en
retraite forcée. Son généreux patron lui avait promis, n’est-ce pas ?
Tous ses collègues se fichaient de lui
et ne lui adressaient même plus la parole. Ils craignaient tous que le peu qu’ils pourraient dire devant ce type soit immédiatement
répété.
Jean-Michel était bien seul mais il continuait à faire des courbettes.
Qu’est-il devenu ?
A vrai dire cela ne lui a pas réussi de lécher les bottes
au patron, car Monsieur F., excédé le muta à
la place de Félicien près de la cuisine, et celui-ci reprit son travail de sous-directeur pour
plusieurs années, dans son atelier avec ses collègues et les mannequins. En effet, le patron, tout en s’excusant lui signala qu’il ne pouvait se passer de ses services et de ses
compétences.
Il y a une justice quand même !