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Le blog de Marie Chevalier

Le blog de Marie Chevalier

un blog pour mes écrits et pour y recevoir mes amis

Publié le par marie chevalier
Publié dans : #mes nouvelles
Brouillard et panique

 

 cette nouvelle figure dans le recueil collectif  édité par Edilivre

 

Ca y est l’automne était là. Se levant comme tous les matins depuis plusieurs années vers sept heures, Emma ouvrit la porte de son jardin et un brouillard très épais l’empêcha de voir la grange à dix mètres de là.

Elle n’aimait pas cela car l’imagination aidant, elle croyait souvent voir une ombre sortir par la grosse porte en chêne de cette grange qui datait de 1850, année où fut construite sa maison.

Des dépendances, des coins, des recoins, des poulaillers, des cages à lapins et plein de choses encore rappelant qu’il s’agissait d’une ancienne ferme, c’est tout cela qui les avait emballés lors de l’acquisition ; ils eurent vraiment un coup de cœur et signèrent, heureux de pouvoir posséder enfin un endroit pour vivre et oublier le stress de Paris.

 

D’ailleurs, ils avaient retrouvé des mangeoires, des râteliers et même des boulets de charbon dans ces étables.

Ils avaient tout nettoyé, tout rangé, tout blanchi et assaini. Ils étaient enfin chez eux. Emma avait trente cinq ans et Julien quarante deux. ils formaient un joli couple disaient les voisins, qui au début de leur installation restaient prudents voire distants. Mais depuis cinq ans qu’ils étaient là à demeure, beaucoup s’étaient rendu compte, que sans être vraiment intégrés au village, ils faisaient partie des gens sympas que l’on saluait quand même au passage.

 

Il faut dire qu’ils rencontraient peu de monde. Leur résidence était située tout en haut d’un vallon dans un bois et les arbres cachaient sa vue de la route.

Pas un bruit, pas un moteur de voiture ne les dérangeait. A tel point que parfois ce silence était pesant. Emma en profitait pour mettre des cd et monter un peu trop la sonorité quand Julien partait en déplacement, elle avait ainsi l’impression d’être moins seule.

 

Il avait trouvé un emploi de commercial dans un garage Citroën et se déplaçait fréquemment dans d’autres garages de la région en tant qu’expert. Il lui arrivait souvent de passer un ou deux soirs par semaine à l’hôtel et de ne rentrer que le WE.

 

Emma qui s’ennuyait souvent souhaitait avoir un animal.

Un chien par exemple, cela serait une bonne idée, elle pourrait faire de la marche avec lui, car seule, elle ne s’en sentait pas le courage. Et puis dans ce grand bois très dense et très touffu, un chien pourrait la prévenir si, on ne sait jamais, un rôdeur venait à passer pour on ne sait quel motif !

Julien de son côté avait refusé cette idée. Il s’était même mis en colère :

 

- Il ne manquerait plus que cela ! déjà, que nous ne pouvons aller nulle part car ta mère est toujours dans nos jambes, alors un chien , tu dérailles complètement ma pauvre Emma, comment ferons-nous si nous voulons partir quelques jours ?

 

- Mais tu sais très bien que depuis que nous avons cette maison, nous ne sortons plus, tu n’es jamais disponible même le week-end !

 

L’ambiance tournait régulièrement à la dispute dès que ce sujet était abordé.

 

N’empêche, pensait Emma en regardant vers la grange entre le brouillard et la nuit qui n’est pas encore levée, être seule dans ce bois, cela fait froid dans le dos.

 

Et puis elle n’osait imaginer ce qui arriverait si elle avait un malaise. Le téléphone n’était toujours pas installé sous prétexte qu’ils avaient chacun un portable. Mais tout le monde savait par expérience, que ces engins-là ne fonctionnent jamais ou réceptionnent très mal quand on en a besoin. D’ailleurs c’est pour cela que Julien ne l’appelait pratiquement jamais, sauf vraiment en cas d’urgence.

 

Elle pensait à tout cela en resserrant sa robe de chambre. L’humidité de ce brouillard pénétrait à travers le vêtement et elle eut soudain envie de se faire une petite « flambée ». Cela allait lui occuper l’esprit et faire le plus grand bien à cette maison qui devenait de plus en plus humide et ce, malgré tout le mal qu’ils s’étaient donné pour isoler du mieux possible. Mais il n’y avait pas de secret : à part tout détruire et reconstruire, ils n’arriveraient jamais à tout calfeutrer.

 

Il aurait fallu faire effectuer de gros travaux d’isolation mais ils en avaient reporté l’idée, car Emma ne travaillait plus et même si les revenus de Julien étaient confortables, ils ne pouvaient faire face aux devis insensés que leur proposaient les entrepreneurs. La maison n’était pas finie de payer, le crédit courait encore sur dix ans !

Quand elle pensait à tout ceci, elle devenait morose et inquiète : avaient –ils bien fait de se mettre ce « truc » sur les épaules ?

 

Pendant qu’elle cherchait désespérément une allumette pour faire prendre les journaux qu’elle avait tout d’abord posés dans la cheminée avant d’y installer des brindilles puis des bûchettes, Emma cru entendre comme un miaulement. Elle se releva, tendit l’oreille mais ne perçut que le journal qui se défroissait doucement dans la cheminée.

 

Comment en était-elle arrivée à sursauter au moindre mouvement de feuillage alors que tout le monde disait d’elle qu’elle était une femme forte, équilibrée et qui n’avait peur de rien ? La preuve, ajoutaient-ils tous, rester dans cette vieille maison sans chien et seule, c’est qu’elle était courageuse ! Beaucoup de gens du village ne le feraient pas.

Elle en prenait consciente devant les regards étonnés lorsqu’elle leur disait : il faut que je rentre assez vite car la nuit va tomber et je suis seule.

En se remémorant tout cela, elle réalisa qu’elle avait été un peu imprudente dans cette affaire : elle ne devrait pas ameuter le village en racontant à qui voulait bien l’entendre qu’elle était souvent seule. Un jour un homme mal intentionné ou voire même plusieurs, lui rendrait visite pour lui voler le peu qu’ils avaient de biens, et elle serait la première à regretter d’en avoir trop dit.

 

 Bon, je ne vais pas me mettre à trembler parce que j’ai cru entendre un miaulement, nous sommes à la campagne et des chats ce n’est pas ce qui manque ! Remue –toi ma grande, finis donc d’allumer ce feu et prends un café cela ira mieux dans ta tête ensuite.

 

Voilà ce qu’elle se disait à voix presque haute quand soudain, celle fois elle en était sûre, on marchait au premier étage. C’était nouveau ça pensa- t- elle cette fois fort inquiète, il ne manquait plus que cela !

 

Non je ne monterai pas, cela doit être un rat ou une souris , enfin peu importe il ressortira par où il est entré.

 

Mais comment avait-il pu entrer ? par les gouttières, par le toit, par la cheminée ? Mais dans ce cas il ne serait pas au-dessus de sa tête mais dans le grenier. C’était à n’y rien comprendre…

 

Doucement , elle prit le tisonnier dans sa main gauche et ouvrit la porte de l’escalier. Elle s’arrêta, écouta : plus rien, quoique peut-être un genre de respiration ? Oui c’était cela quelque chose respirait de plus en plus fort d’ailleurs !

 

 Si j’étais raisonnable je partirais de cette maison en courant, se dit-elle en commençant à monter les premières marches, le tisonnier toujours à la main .

 

  • Il y a quelqu’un ?

 

Pas de réponse…

 

  • Ditesmoi qui vous êtes ? vous êtes monté pendant que j’allais chercher du bois, ce n’est pas sympa de me faire peur ainsi !

 

Ce bruit était de plus en plus proche, du moins ce qu’elle pensait être une respiration. Plus de doute, quelqu’un haletait là, pas loin d’elle, peut-être même l’attendait-on en haut de l’escalier. Elle mettait le tisonnier en avant et montait maintenant de plus en plus vite : il fallait qu’elle sache.

 

Tout à coup la lumière de la cuisine en bas s’éteignit et elle se retrouva dans le noir complet. La faible lueur qui l’aidait à se diriger lui manquait. Elle avait beau connaître cet escalier par cœur, elle n’avait pas compté les marches et ignorait totalement à quelle distance de la pièce du dessus elle se trouvait. Elle craignait de se cogner la tête contre les pieds de quelqu’un qui d’un coup, pouvait la faire dégringoler en bas sans problèmes.

 

Elle redemanda plus doucement :

 

  • Il y a quelqu’un ?

 

Mais en se traitant de niaise intérieurement car s’il y avait quelqu’un il aurait répondu tout de suite sauf s’il venait faire un mauvais coup !

 

Pendant tout ce temps où Emma se demandait si elle avait peur ou bien si au contraire, elle n’avait qu’un souhait : voir enfin ce qui l’effrayait, sa chatte Moumoune, une vieille chatte aux trois couleurs la regardait, assise sur un fauteuil dans le salon.

Emma ne voyait que l’éclat de ses yeux car il faisait terriblement sombre dans cette maison ! mais il n’empêche que le fait que Moumoune ne bouge pas le bout de la queue la rassurait. Cette chatte trouillarde comme pas une ne supportait pas un bruit inconnu et courait se réfugier sous le lit, or là , elle restait attentive certes mais d’apparence sereine.

 

Emma tremblait de tous ses membres. La peur la tenaillait maintenant de plus en plus et elle transpirait. Une sueur mauvaise, âcre lui brûlait les yeux : Moumoune ? Moumoune appela-t-elle doucement… Rien ne bougeait. Cette chatte si vive habituellement pour répondre aux appels n’avait pas bougé d’un pouce. Au milieu de cet escalier, le tisonnier à la main, elle se sentit tout à coup idiote et dans une position indigne d’elle. Enfin voyons, il fallait qu’elle se reprenne et surtout qu’elle monte à l’étage, là où se trouvaient les bougies, sur le petit guéridon ,en bois d’ébène que lui avait offert Julien pour ses trente ans. Elle aimait les beaux meubles.

Quand elle atteignit la dernière marche, elle se mit debout très droite, et ses yeux commençant à s’habituer à l’obscurité, elle crut deviner une ombre au fond de la pièce palière.

 

  • Julien ?
  • …..
  • C’est toi je le sais alors arrête de faire l’enfant et de me faire peur, tu as gagné j’ai vraiment eu la frousse de ma vie, mais maintenant, réponds – moi, cela a assez duré.

 

 

Emma, n’eut pas le temps d’en dire plus, une main s’accrocha à son bras et la serra très fort. Elle eut un gémissement de douleur et en même temps, elle sentit tout son corps écrasé, serré, ses os craquèrent, et elle ne pouvait plus respirer.

 

  • Mais pourquoi gémitelle dans un souffle, sans comprendre vraiment ce qu’il lui arrivait.

 

Une lueur soudain illumina la pièce, les lampes s’allumaient les unes après les autres, la pièce se mit à tourner , et les meubles à se caler contre le mur, libérant un grand espace au milieu de la pièce. Et là, malgrè la forte douleur dans tous ses membres, elle eut le courage de crier : Oh non pas ça !!!

 

Devant elle, surgissant de nulle part, un cochon se dressait sur ses pattes avant et tournoyait au son d’une vague musique venue de loin. Puis des lapins se mirent à sautiller, s’arrêtant soudain et se dressant eux aussi sur leurs pattes avant.

 

Puis, ce fut le tour des poules, des canards, des pintades, toutes plus caquetants les une que les autres, une énorme rumeur maintenant se fit entendre couvrant le mugissement d’une vache qui venait de s’introduire par la fenêtre et prenait à elle seule toute la place disponible. Une belle charolaise à la robe marron, au poil épais venait vers elle, la bave au museau.

 

Mon dieu, mon dieu ! ne faisait que répéter Emma, mais c’est un cauchemar !

 

Quand tout ce petit monde fut dans la pièce, une voix s’éleva soudain demandant le silence.

C’était Moumoune, du moins elle le pensa.

 

- Emma, demande pardon à mes camarades, exigea-t-elle d’une voix sévère.

- Mais pourquoi ?

- Simplement parce que je te le demande …

- Mais Moumoune, je ne t’ai jamais fait de mal ? explique- moi je t’en supplie !

 

 - Tous les animaux que tu vois viennent venger leurs amis que tu as osé manger depuis que tu peux te payer de la viande ; tu l’as toujours fait sans état d’âme sans te demander si ces animaux avaient une mère, une famille si quelqu’un allait souffrir de leur absence, de leur mort devrais-je dire pour que tu t’empiffres et que tu dises à la fin du repas : c’était bon mais ce lapin était un peu dur non ? ou alors mieux ! ce boudin était bon mais je le trouve un peu fade , j’en passe et des pires par respect pour mes amis.

 

  •  ???

 

Quand Emma sentit s’abattre sur elle un sabot qui lui fendit le crâne, elle accusa immédiatement la vache, forcément et pourtant non. Il s’agissait de Julien qui l’assommait avec le tisonnier qu’elle avait posé par terre.

 

Les animaux comme par enchantement disparurent et Emma dans un dernier souffle les vit se ratatiner et s’écrouler comme des baudruches sur le sol. Il ne resta d’eux que du plastique et des ficelles… Julien ramassa le tout, l’enveloppa dans un sac poubelle et donna un coup de pied rageur dans les reins de sa femme qui gisait à terre.

 

  • Crève ! lui murmurat-il en se penchant sur elle.

 

Avec un sac plastique, il la bâillonna jusqu’à ce qu’il sentit qu’elle se détendait et devenait identique aux animaux gonflables qui lui avaient tellement fait peur.

 

Il ramassa le petit magnétophone, se retourna , pour jeter un dernier coup d’œil sur la pièce et se dit qu’il avait réalisé le crime parfait.

 

C’était sans compter sur Moumoune qui avait tout vu, tout suivi. Quand il fut en bas de l’escalier, prêt à partir, ses valises étant déjà dans l’entrée, elle miaula si fort et si longtemps qu’il revint vers elle pour l’assommer, elle aussi. Hélas, il n’avait pas pensé au téléphone qu’il n’avait pas raccroché lors d’un appel passé à la femme qu’il devait rejoindre. Quand elle entendit Moumoune, affolée, elle eut très peur pour Julien et appela immédiatement la police.

 

Julien est en prison.

 

Moumoune est maintenant sur les genoux d’Emma, qui la caresse toute la journée, l’œil éteint. Elle ne bouge un peu que lorsque les infirmières lui demandent si elle a faim.

 

  • Oh oui mais que des légumes s’il vous plait…. Répondelle régulièrement…

 

FIN

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Publié le par marie chevalier
Publié dans : #défis croqueurs de mots

sPour le défi du lundi, quelqu’un est sur le pas de sa porte, à votre avis que fait-il ?

 

VISIONS

 

Jean-Pierre venait d’ouvrir la porte d’entrée précipitamment en hurlant : ben v’la autre chose !

Aussitôt Viviane, sa compagne sortit de la salle de bains se demandant bien ce qui avait  provoqué cette phrase.  Jean-Pierre était un taiseux. Il parlait peu  ou alors  vraiment quand il ne pouvait faire autrement. 

Alors qu’il hurle cette phrase et se précipite sur le  pas de la  porte,  naturellement bouleversa sa femme.

Elle arriva en courant  et  essaya de voir sur le côté, car son compagnon n’était pas maigre et la porte n’était pas bien large. 

— Mais que se passe-t-il ?

— Mais regarde toi-même !

— Je ne vois rien !

— Justement il n’y a rien à voir 

— Ben alors pourquoi as-tu hurlé ? 

— Parce que j’ai cru voir passer Léa sur son vélo

— Et alors ? 

—Mais tu sais bien que  cette pauvre vieille vient de fêter ces 101 ans

— Et ?

— Et tu trouves ça normal, toi  qu’elle fasse encore du vélo  à cet  âge ?

— Non remarque bien tu as raison, mais tu l’as vraiment vue ? 

— Comme je te vois 

— Et elle allait vers  où ? 

— Vers le cimetière

— Pour quoi y  faire ? 

— S’y faire enterrer voyons, tu as de ces questions !

— Tu deviens fou mon pauvre Jean-Pierre

— Je te dis qu’elle vient de passer à vélo

— Sans doute sans doute

— Tu ne me crois  pas hein ? Tu penses que  je déraille ?

— Pas du tout  mais  je pense surtout qu’il va falloir arrêter le Picon bière car la  Léa est paralysée et se trouve dans un établissement spécialisé alors  tes visions…

— C’est quand  même incroyable que l’on ne veut jamais me croire

— En parlant de cela  dis-moi,  c’est pas  Justine  là-bas sur la mobylette ?

— Justine ?  La fille de Léa ?  Ben tu vois que j’avais bien vu une femme sur un deux –roues 

— Oui mon Jean-Pierre  tu as encore raison, rentre donc avant d’attraper  du mal.

 

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Publié le par marie chevalier
Publié dans : #mes nouvelles

"Nous avons le plaisir de vous informer que votre nouvelle, Surprise, a obtenu les félicitations du jury et vous adressons tous nos compliments."

Cette phrase est très agréable à lire 

je mets ici la nouvelle concernée 

 

                                                                  SURPRISE

 

Il m’avait dit : attends-moi sur la plage de l’Océan à Barbâtre à quinze heures. J’y étais depuis une heure. Ayant loué un vélo je m’étais tout d’abord promenée aux alentours pour visiter un peu, arrêtée quelques minutes au moulin de la Plaine près de l’office de tourisme, puis j’avais emprunté la route de l’Océan. Je ne pouvais pas me perdre, c’était tout droit d’après les instructions de Gérard.

 J’étais arrivée très tôt sur l’île le matin même. Il faisait une chaleur ! Je ruisselais sous les bras et mon tee-shirt en élasthanne vieux rose, me collait partout, une véritable horreur.  Mais pourquoi n’avais-je pas pensé à prendre des chemisiers en coton ? En plus à cause de quelques kilos pris ces derniers temps, dus au stress sans doute, tous mes vêtements étaient devenus trop étroits. Seules deux robes auraient pu faire l’affaire mais elles étaient toutes les deux noires et surtout délavées.

Je ne réalisais pas que dans une heure je verrais enfin l’homme de tes rêves. Je connaissais tout de lui. Depuis deux mois qu’il était rentré en France après un long séjour en Allemagne pour ses affaires, m’avait –il dit sans vouloir s’étendre sur le sujet, nous ne nous quittions plus. Bien sûr nous dialoguions par SMS ou par mail mais on se disait tout. Je connaissais son âge, sa taille, la couleur de ses cheveux, tout absolument tout. Il ne nous manquait plus qu’une rencontre « en vrai ». Il faut que je précise que c’était en 2001 et les caméras, les « Skype » n’existaient pas ou étaient très peu utilisés par les novices en informatique que nous étions. Franchement je n’avais qu’une hâte : le voir enfin, le toucher, l’embrasser aussi bien sûr.

J’étais certaine d’avoir eu le coup de foudre pour lui, tout ce qu’il me racontait me plaisait : ses voyages professionnels qu’il gardait mystérieux, ses mots si tendres, si doux qui me faisaient fondre, les livres que nous lisions afin d’en discuter ensuite.

Il m’avait demandé de ne jamais l’appeler car il n’était pas souvent disponible et ne voulait pas qu’un collègue soit au courant de notre relation. Moi de mon côté, mes parents n’étaient pas tendres en ce qui concernait mes conquêtes masculines. Il fallait qu’ils connaissent mes petits amis et surtout qu’ils me donnent leur avis. Alors ce fut un mystère de plus entre nous et cela nous amusait.

Mais quand il m’apprit un jour qu’il rentrait sur le continent, je fus bouleversée. Adorable, il avait même ajouté : je suis sûr que je ne serai pas déçu et que je te reconnaitrai dans une foule tellement je suis amoureux de toi.

Je souriais de bonheur en lisant ces lignes. Ses longs mails me fascinaient. De savoir que j’allais le voir enfin, je ne tenais plus en place. Je passais du rire à l’angoisse : et si je ne lui plaisais pas, et s’il était déçu?

Me voilà donc assise dans le sable, regardant les touristes qui passent devant moi se tenant par la main ou alors qui courent se jeter à l’eau et rire, rire…

Je lorgnais sans arrêt sur ma montre, le temps ne passait pas vite et j’avais des fourmis dans les jambes. Mes mains étaient moites, la sueur mouillait mes cheveux et pourtant un petit vent rafraichissait l’atmosphère.

Quelle gourde, je n’avais pas pris de sous-vêtements de rechange et tout ce que je portais était de plus en plus humide de sueur. Je devais être affreuse, toute rouge car le soleil tapait et naturellement, aucune crème pour me protéger.

Tellement eu hâte de ne pas rater mon train et de surtout être à l’heure au rendez-vous que j’avais fait n’importe quoi.

Il était maintenant quatorze heures trente. Dans une demi-heure je serai la plus heureuse des femmes. Comment vais-je faire si je le vois arriver vers moi ? Il sera en vélo ? À pieds ? Il aura sûrement laissé sa voiture devant l’office de tourisme ?

En plus il avait précisé : tu m’attends au bout de la route de l’Océan, et si on ne se trouvait pas ?

Je me levais, faisais quelques pas, secouais les bras, m’étirais, et me rasseyais, tendue et de plus en plus nerveuse.

Insoutenable cette attente, pourquoi suis-je arrivée si tôt aussi, quelle idiote ! Et s’il ne venait pas ? De plus il m’avait écrit dans son dernier mail qu’il ne fallait pas que je rêve trop, que je pourrais être déçue en le voyant et qu’il en serait très malheureux.

Je ne sais pas pourquoi il m’avait prévenue de cela car j’étais tout à fait prête à le rencontrer sans appréhension aucune. J’avais une telle confiance en lui ! Quoique… Assise sur le sable, ruisselante de sueur, commençant à avoir mal à la tête, je ne me sentais pas très bien. De plus je n’avais pas mangé un bout depuis des heures.

J’étais en plein suspense : quand arriverait-il ? De quel côté ? Comment le reconnaitrais-je ? Car lui avait beau m’écrire sans arrêt que les yeux fermés, il saurait que c’était moi, je n’avais pas le même ressenti. Et bizarrement, plus les minutes passaient plus j’étais anxieuse.

Pourtant ce moment je l’attendais depuis que nous avions commencé à avoir des relations épistolaires. Et tout à coup, j’avais envie de fuir. De remonter sur mon vélo, et vite aller regarder l’horaire des cars et des trains pour rentrer chez moi. Une peur irraisonnée me prenait aux tripes.

J’en étais là de mes réflexions quand une jeune femme vint s’assoir près de moi en étalant une grande serviette. Zut, pensais-je, s’il arrive elle va se rendre compte de mon émotion.

— Je vous dérange peut-être ?

— Mais pas du tout voyons.

— Vous avez l’air anxieuse et vous êtes si pâle…

— J’attends un ami, et effectivement, je suis un peu impatiente sans plus, cela fait des années que je ne l’ai pas vu.

Et cette gentille dame osa me faire remarquer qu’étant donné mon âge, il ne devait pas y avoir des siècles que je n’avais pas vu ce camarade.

 Sans doute lassée par mon silence, elle se leva et me laissa de nouveau seule avec mon angoisse.

Il était 14h55.

 Je regardais autour de moi et n’y voyais que du sable, la mer et encore du sable. Peu de gens à cette heure-ci en pleine semaine et hors saison.

Je me levais, fis de nouveau quelques pas pour me dégourdir les jambes. Je m’éloignais un peu me demandant si vraiment c’était bien là le lieu de rendez-vous ?  Il était grand temps de m’en préoccuper maintenant que l’heure approchait. Je m’en voulais de ne pas m’être mieux renseignée sur cette plage. Il y en avait tout le long des plages, avec des noms sympas d’ailleurs, mais est ce que j’étais sur la bonne, la plage du Midi n’était pas loin non plus…

J’essayais de bien me souvenir car bien entendu je n’avais pas imprimé le dernier mail avec le lieu exact de notre rendez-vous et je commençais à douter, et si c’était la plage de la Cantine ou autre…

Soudain j’entendis de grands cris tout près. Des enfants hurlaient et des hommes couraient vers la mer.

Il se noie, lancez-lui une corde, vite, faites vite, appelez les sauveteurs ….

Cela me sortit complètement de mes fantasmes amoureux, que se passait-il donc ? Je pris le vélo et me rendis sur les lieux d’où provenait cette panique.

Plusieurs jeunes hommes tiraient sur une corde et essayaient de ramener quelque chose à terre. Soudain l’un d’entre eux se jeta à l’eau et cria : on n’y arrivera pas, il n’a plus la force de se cramponner à la corde. Enfin au bout de quinze bonnes minutes, alors que les secours arrivaient, les bénévoles avaient réussi à ramener le corps d’un homme et l’avait étendu sur le sable.

Tout le monde s’agitait, voulait voir : mais qui était-il ? Comment était-il arrivé là ? Il faut quand même le vouloir tomber à l’eau à cet endroit ou alors il a peut-être voulu mourir ? Il n’est pas jeune, il a sans doute eu un malaise…

Tous les arguments toutes les suppositions allaient bon train et pendant ce temps, les sauveteurs essayaient de le ranimer. Ils pestaient contre les gens qui faisaient cercle et hurlaient : mais laissez-nous travailler, il a besoin d’air poussez-vous !

Enfin, le « noyé » ouvrit les yeux et cracha plusieurs fois. Il était sauvé.

— Mais qui est-il ? On a retrouvé quelque chose ?

— Non rien, aucun papier, qui puisse aider à savoir qui il était. Mais il va pouvoir nous le dire, il a déjà repris ses esprits on va l’emmener au frais pour qu’il se repose. Rien de grave, dit un pompier qui l’avait examiné.

Le temps passait et je ne m’étais pas rendu compte qu’il était maintenant 15 heures trente, et mon rendez-vous ? Ciel je l’avais oublié !

 Je retournai vivement à l’endroit que je venais de quitter. Personne. Je me disais qu’il était peut-être venu lui aussi voir ce qui se passait et qu’il allait revenir ici. Je m’assis donc et attendis.

16 heures.

Ça ne pouvait plus durer. Cette incertitude était insoutenable. Il m’avait tendu un piège. Il n’était pas venu. C’était bien ma chance, m’être déplacée de si loin pour du vent. Je le haïssais après lui avoir cherché mille excuses je ne voyais que le piège tendu à une femme de hasard. Il doit bien rire en regardant l’heure.

 Je repris le vélo et pédalai jusqu’à la location.

Je ne savais plus comment me sortir de cette rage qui me tenaillait. Qu’allais-je faire maintenant ? Porter plainte ? Je m’étais fait avoir. Et moi sottement j’avais cru qu’un homme que je n’avais jamais vu allait arriver tout guilleret, le bouquet de fleurs à la main. Quelle gourde !

Je m’installai à la terrasse du Barbâtre et me commandai une bière.

Peut-être finalement avait-il eu un contretemps ? Il allait peut-être essayer de me joindre par mail ? Il me savait assez « dégourdie » pour trouver le moyen d’accéder à mes mails et il avait raison au moins sur ce point. Je demandai au serveur s’il y avait un cybercafé dans le coin. Comme il me regardait bizarrement je lui expliquai que j’attendais un message pour un rendez-vous important.

 Gentiment il me répondit qu’il pouvait me prêter son portable si cela n’était pas trop long. Je rentrai donc à l’intérieur et je fis tout de suite mon code. Heureusement je l’avais en tête !

J’ouvris ma boite mail et là……

Une phrase très courte :

Mademoiselle, je ne sais pas qui vous êtes mais laissez mon mari tranquille. Il n’ira pas vous rejoindre ou alors je le tue… J’ai lu toute votre correspondance, c’est honteux…

Je tremblais comme une feuille quand le serveur revint vers moi.

— Mauvaises nouvelles, mademoiselle ?

— Oui un rendez-vous manqué, lui répondis-je en pleurs.

Je sortis hébétée du café et je ne savais vraiment plus ce que je devais faire, j’étais vidée, anéantie. Alors il était marié ? A la rigueur cela n’était pas très important car d’après ses mails il semblait plutôt indépendant. Mais comment avait-elle pu lire tout ça? C’était impensable ! Elle avait écrit cela pour me faire peur.

Je pris la décision de revenir sur la plage et de faire le point.

Il était maintenant dix- sept heures.

C’était fichu, bien fichu. Il doit rire maintenant car qui sait ? C’est peut-être lui qui a écrit ce mail ? Pour ne pas venir. Mais non ce n’est pas possible, il sait bien que je n’ai pas la possibilité de lire ses mails… sauf qu’il me savait débrouillarde…

— Bonjour Mademoiselle…

 Je me retournai comme une folle !

Un homme d’environ soixante -quinze ans me regardait en souriant.

— Excuse-moi du retard mais j’ai failli me noyer et ils m’ont emmené pour les premiers soins. Je suis tombé en marchant près de l’eau et impossible de me retenir, j’avais oublié ma canne…Mais ils ont été charmants car je leur ai demandé de me laisser partir, j’avais un rendez-vous urgent…

— C’était donc vous le noyé de tout à l’heure, lui demandai-je pour gagner du temps et me remettre un peu de ma surprise.

Sidérée je le regardais mais franchement je devais avoir un air tellement niais qu’il me demanda si j’étais bien Vanessa.

Bêtement je lui répondis : oui et toi tu es Gérard ?

— Ouf ! Tu m’as fait peur, j’ai cru que tu ne m’avais pas reconnu !

— C’est –à –dire que … je t’ai tellement attendu, je t’ai tellement imaginé…

— Que veux-tu dire ? Je ne te plais pas ?

— En fait je ne m’attendais pas à ce que tu sois si vieux… si chauve…. si…

— J’ai eu un accident et effectivement j’aurais dû te prévenir que je n’avais plus qu’un bras. J’ai perdu l’autre dans une explosion sur un chantier.

— Mais en fait, tu me mens depuis que l’on se connait ? Et ta femme ? Tu es marié en plus !

— Comment le sais-tu ?

— Elle m’a fait un mail ! Oh et puis zut tu n’auras qu’à lui demander toi-même !

— Franchement Vanessa où est le problème ? Marié ou pas ?  Nous nous aimons nous n’avions qu’une hâte nous rencontrer, c’est fait alors ? Que te faut-il de plus ? Mon handicap te gène à ce point ?  

— Rien sinon quarante ans de moins. Tu m’as trahie, tu t’es regardé ? Tu es un vieillard, et je n’ai que dix-huit ans ! Je hurlais ma colère, ma déception.

 Je l’ai laissé planté là debout sur la plage, il m’a appelée doucement : Vanessa reviens… puis il s’est tu. Il devait réaliser lui aussi l’horreur de la situation. Je suis partie en courant dans le sable vers les habitations, vers la vie et surtout vers le réel.

On dit parfois que la fiction dépasse la réalité ce fut le cas de cette rencontre qui n’aurait jamais eu lieu… si je ne m’étais pas imaginé la vie comme un suspense amusant.

Je pleurais en reprenant le car. C’était fini. Je n’aurai plus jamais envie de recevoir des messages sans avoir vu celui qui me les envoyait.

Maintenant, il n’y a plus d’attente, de suspense, comme celui que j’ai vécu, heureusement il y a les caméras. D’ailleurs je dialogue depuis une semaine avec un homme bien plus jeune que moi, il dit avoir dix- huit ans, j’en ai trente mais où est le problème ? Je vais le voir bientôt nous devons nous retrouver mais cette fois … dans les jardins du Palais Royal… Et je le reconnaitrai….

 

 

 

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