Fanfan nous propose donc de dire ce que nous inspirent ces chaises (En espérant qu’elles nous inspirent)
Pourquoi sont-elles là ? Que font-elles là ? Qu’attendent-elles ? Qu’ont-elles vu ? Etc … Et pour corser le tout, elle nous demande juste de glisser deux fois le mot « chocolat » dans votre texte en vers ou en prose.
Souvenirs
J’avais enfilé mes bottes fourrées, mis mon bonnet tricoté mains sur mes oreilles et ma grosse doudoune matelassée gris perle. Depuis que j’étais seule, je me faisais une règle de conduite très stricte : aller me promener dans le village quel que soit le temps. Et bien aujourd’hui, j’avais gagné, après une averse de neige ayant tout recouvert le soleil était revenu et c’était vraiment agréable.
Dans ma poche droite près de mon téléphone portable je prenais toujours deux ou trois carrés de chocolat. Je faisais de l’hypoglycémie et parfois j’avais comme un malaise. Vite, je croquais et je repartais ragaillardie.
Mes pas, encore une fois me portaient vers le bout du village, juste avant le cimetière, où je ne mettais plus les pieds depuis longtemps. Je n’avais personne à visiter, mon défunt mari s’était envolé dans le ciel d’Afrique et même son urne était restée là-bas dans sa famille. Je m’en fichais. Nous étions plus ou moins séparés et moi j’étais orpheline.
Souvent je retrouvais lors de mes petites balades deux dames veuves elles aussi mais qui allaient arroser le pauvre thuya nain au pied de la tombe de leurs maris et nous nous asseyions sur les trois chaises près du mur de la dernière maison inhabitée juste avant le cimetière.
Charmante idée d’ailleurs, cela permettait aux souffrances de se reposer avant d’aller s’extérioriser devant une dalle de ciment. On se racontait tout. Trois femmes du même âge, la bonne cinquantaine pimpante. On y allait de nos histoires de cœur, de nos aventures, car nous n’avions pas cessé d’exister après la disparition de nos conjoints, nous étions trop jeunes pour renoncer à la vie. Parfois nous éclations de rire mais tout de suite on mettait un doigt sur la bouche : chut ne réveillons pas les morts ça porte malheur et on riait de plus belle.
Aujourd’hui, je passe devant ces chaises recouvertes de neige qui semblent nous attendre. Hélas Corinne et Valérie sont parties rejoindre leurs enfants dans le midi et je reste seule. S’il n’y avait pas cette neige, je m’assiérais comme je le fais encore souvent en me promenant. Je repense à ces amies qui ne rajeunissent pas non plus. Si elles me voyaient soufflant comme un boeuf d’avoir grimpé la petite côte, elles riraient je les entends ! Comme c’est bon de les entendre rire, même si c’est seulement dans ma tête.
Je n’ai pas envie de mouiller mes gants alors je passe mon chemin et je prends un petit carré de chocolat pour me faire une petite douceur. Comme c’est loin tout ça ! on ne devrait jamais refaire la route de nos souvenirs à l’envers ! Ça rend triste…