Doux rêve
Keira a seize ans. Grande, élancée, très brune, la peau mate, les cheveux longs et bouclés, elle est très belle. Elle somnole dans un transat sur son balcon dans un immeuble de la Défense.
Un logement ni triste ni gai, des parents ni gentils ni méchants, un frère infect qui veut tout gérer depuis qu’il a eu ses dix-huit ans et une petite sœur de six ans qui fait encore pipi au lit.
C’est dimanche. En bas dans la cour soudain des cris, des rires, des « youyous » s’élèvent et la réveillent. Elle se penche pour voir ce qui se passe et se souvient. C’est le mariage d’une petite copine de lycée, Fatima ! Toute la famille est là. Ils sont au moins une trentaine, qui s’embrassent se caressent les joues, se réjouissent de l’événement.
Chez Keira, on a oublié tout ça : les fêtes de famille, les mariages, on ne voit plus personne. Les parents ne pensent qu’à travailler pour amasser un petit pécule qui leur permettra d’aider le fils à s’installer à son compte en chauffeur de taxi.
La jeune fille bercée maintenant par la musique, les danses et les rires de ses voisins, s’endort.
Elle est « là-bas ». Un jeune homme l’attend beau comme un dieu, maître du désert dans son magnifique costume bleu. Il l’attrape et la fait voler sur son cheval. Ils chevauchent doucement et serrée contre sa poitrine, elle sent son odeur de soleil et de sable chaud. Le cheval, une beauté noire, s’arrête à quelques kilomètres.
Le jeune homme en descend, l’aide en lui prenant la main et la serre contre lui. Il la garde ainsi, longtemps. Elle ouvre enfin les yeux quand sa bouche se penche vers la sienne. Elle fond de bonheur. Tout est si calme si serein, il fait si beau, si chaud… elle se laisse faire quand il commence à passer ses doigts doucement sous son tee-shirt.
Elle est prête à s’abandonner, à se donner, là sur le sable du désert.
— Keira ! Je Sors faire des courses, occupe-toi de ta sœur au lieu de rêvasser et de sourire aux anges !
Ca y est, elle est maintenant bien réveillée, mais son rêve la poursuit. Pendant quelques minutes, elle était ailleurs, chez elle, « là-bas ». Quand elle sera majeure, elle partira, il le faut, elle le sent comme un besoin…
— Oui maman vas-y je m’occupe de tout !
Fin