Défi 89 (croqueurs de mots) un petit
lieu
C'est un petit lieu qui ne paye pas de mine (un banc publique, une ruelle, une place, un
arrêt de bus, etc...), un endroit qui ne vaut pas le détour sauf pour vous. Décrivez ce lieu et racontez pourquoi il vous plaît (ou déplaît) autant...
Le
calvaire
Le souvenir que j’avais de ce calvaire était
enfoui au fond de moi et je pensais souvent : si seulement je pouvais le revoir. Et puis un jour,
la chance aidant, je fus invitée par une amie qui avait acheté une résidence secondaire dans un village très proche de celui où s’élançait vers le ciel MON calvaire.
Il était en bordure de route, et
surtout semblait veiller sur ce petit village enfoui au
fond de champs immenses. Une route, enfin un chemin recouvert de pierres concassées, descendait vers l’Eglise en pente douce et j’arrêtais ma voiture
avant de m’engager.
Je voulais voir, moi aussi, ce que voyait celui qui était tout là-haut dressé sur une croix en pierre
et lui-même taillé dans le même matériau.
Cette croix était posée sur un très grand socle, que des enfants avaient colorié avec des dessins de toutes formes. Je repérais surtout des fleurs et des arbres.
Quatre platanes couvaient ce calvaire et
surtout cachaient aux regards des autres, les amoureux qui venaient s’y blottir.
Enlacés ou main dans la main, là n’était pas le
problème mais que l’on était bien à l’ombre des regards pointus des commères du village. Car tout naturellement, j’eus mon tour de calvaire ! Comme les autres je tombais amoureuse et suis venue aussi cacher mon bonheur d’adolescente
ici.
Parfois même, je venais seule. Dans ces moments- là, je
pleurais car forcément il y avait eu un chagrin d’amour dans mon cœur et dans mes larmes (à seize ans c’est normal !).
Et puis les années ont passé. J’ai grandi
et n’ai plus pleuré d’amour. La vieillesse m’a rattrapée et je viens encore m’assoir sur ce socle décoré par les enfants. On me dit qu’il
n’y a plus d’amoureux venant chercher leur
premier baiser.
Les platanes ont été coupés. Il ne reste que
leur tronc seul, dénudé, vide.
Mais le socle et la croix sont toujours là.
Le Jésus crucifié veille toujours sur le village et rassure les vieilles dames qui viennent prendre un peu de soleil à ses pieds car plus rien ne gêne sa traversée. il éclaire le calvaire qui sans ses arbres semble une pierre comme les autres
perdue au milieu de nulle part.
Cela n’est rien. Je suis sortie de ma voiture, fais quelques pas et me suis assise. Mes souvenirs m’ont ravagé le cœur d’émotion. Mais que cela est bon d’avoir un endroit où se poser simplement pour rien, parce que nous y
sommes bien … et pour nous souvenir
…
Fin