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Le blog de Marie Chevalier

Le blog de Marie Chevalier

un blog pour mes écrits et pour y recevoir mes amis

mes nouvelles

Publié le par marie chevalier
Publié dans : #mes nouvelles

Le dernier bain de Loana

Elle ne voulait pas se déshabiller et se mettre nue dans la salle de bains. Sa mère avait beau lui répéter qu’elles n’étaient que deux et que personne ne pouvait rentrer, il n’y avait rien à faire.

Loana n’avait que deux ans quand son père les quitta pour une autre femme. A priori, du peu qu’elle avait entendu en faisant semblant de dormir, il en ressortait que sa mère devenait de plus en plus négligée et sale. La gamine n’avait jamais pris garde car elle-même refusait de se laver. Elle s’habituait à cette odeur de peau sale et de linge sale et c’est seulement quand elle fut inscrite à l’école que les ennuis commencèrent.

Sa mère travaillait toute la journée et la réveillait tôt le matin pour la faire déjeuner et lui faire faire un brin de toilette. Elle s’énervait quand Loana hurlait qu’elle ne supportait pas l’eau, qu’elle avait peur. Maria avait du mal à tenir son sang-froid et la plongeait en pyjama dans la baignoire. — au moins tu auras quand même pris l’eau le reste partira avec la serviette —. Elle l’attrapait sous les aisselles et la frottait très fort. Une petite claque sur les fesses : aller zou ! vite ton pull à capuche et ton jogging bleu marine.

Quand elle voulut en parler à Emmanuel, celui-ci lui répondit qu’avec une mère comme elle, il était normal que la petite soit sale.

Vexée elle lui demanda d’en dire plus et ce jour –là, pendant que Loana enfilait tant bien que mal ses vêtements, ils se disputèrent pendant plus d’une heure. La gamine s’était assise sur son lit sagement, son cartable à ses pieds et se balançait d’avant en arrière en chantonnant.

Emmanuel était pourtant un homme charmant et sa nouvelle compagne ne cessait de vanter son caractère enjoué et heureux. Alors pourquoi quand il était marié avec la mère de Loana était-il si agressif et méchant ?

Il est vrai que Brigitte ne faisait pas beaucoup d’efforts pour lui plaire. Elle estimait que de lui tenir sa maison propre était déjà un grand plaisir qu’elle lui accordait, alors le reste ne le regardait pas. Un jour qu’il tenait Loana sur ses genoux celle-ci émit un petit cri et en riant cria : caca !

Le père affolé, la tenant à bout de bras la déposa sur la table de cuisine en appelant sa femme.

Quand celle-ci eut changé la gamine, elle se retourna vers son mari et le regardant bien en face lui dit : — tu n’es pas capable de changer une couche et tu voudrais me donner des leçons ? Sors immédiatement et va-t’en n’importe où mais je ne veux plus te servir de bonne. —

En fait cette altercation tombait à pic, il ne fut pas obligé comme il avait pensé le faire, de tourner autour du pot pour lui annoncer qu’il avait rencontré une autre femme. Et c’est ainsi qu’elles se retrouvèrent seules. Maria trouva un travail mieux rémunéré et elle put ainsi placer sa fille dans un établissement privé. Elle n’allait la chercher que le samedi midi. Elle avait remarqué que la toilette de Loana laissait à désirer mais elle même en pleine dépression n’avait même plus envie de se laver.

Cela se gâta quand la petite fille entra à « la grande école ». Maria reçut plusieurs lettres et la dernière était carrément une menace si elle ne faisait pas la toilette de sa fille. Tous les élèves disent d’elle qu’elle pue et croyez-moi ce n’est pas exagéré écrivait la directrice. Maria n’en tint pas compte. Elle s’enfonçait doucement dans une sorte de mal-être et restait des heures devant la télévision. N’ayant plus le gout à rien, elle finit par ne plus aller travailler et laissa tomber tout ce qui ressemblait à du ménage ou la lessive.

En classe, Loana ne comprenait pas les moqueries de ses petites camarades. Elles faisaient un cercle autour d’elle en lui chantant : Loana tu pues Loana ne se lave pas. Un jour qu’elle n’en pouvait plus, elle décida d’en parler avec sa mère. Elle rentra plus tôt de classe et frappa quelques coups discrets sachant que Maria dormait souvent.

Personne ne lui répondit. Elle était toute menue et en montant sur le rebord de la fenêtre elle pouvait essayer de débloquer la poignée. Sa mère se réveilla à ce moment –là et hurla de peur pendant qu’elle était en plein cauchemar. Sa fille en plein après-midi sur le rebord de la fenêtre elle rêvait c’était sûr !

— Mais enfin que fais-tu là à cette heure-ci ?

— Je ne veux plus aller à l’école tout le monde dit que je sens mauvais.

— Et alors ? ça t’empêche d’étudier ?

— Non… pas vraiment …

— Alors retourne à l’école sinon c’est moi qui vais t’y emmener avec une fessée.

Loana repartit et sur le chemin de l’école, elle ruminait. Comment allait-elle se sortir de ce bourbier ? Sa mère était encore plus sale qu’elle. Mais pourquoi ?

Elle n’arriva pas jusque l’école. Elle rencontra un petit camarade qui lui proposa de partir ensemble n’importe où du moment qu’il n’y avait pas de parents.

On les retrouva le lendemain noyés dans l’étang de la cité. Ils avaient retiré leurs vêtements et près du rivage, avec leurs affaires trônaient une savonnette et une serviette de bains neufs. C’est en voulant se laver qu’ils se noyèrent … ne sachant pas nager.

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Publié le par marie chevalier
Publié dans : #mes nouvelles

Une bouée, rien qu’une bouée…

a obtenu les félicitations du Jury

( concours organisé par l’Association « Autour des Lettres & des Arts de l’Épine Et les Éditions Past’Elles)

Elle m’avait dit : je te donne ma parole que nous ferons toute notre vie ensemble, je t’aime.

Quand on a vingt ans, et qu’une jolie fille se pend à votre cou en prononçant ces mots, vous voyez des étoiles. Bien sûr vous la serrez dans vos bras en bégayant : moi aussi je te la donne.

Et pourtant nous sommes séparés. Au bout de cinq années de vie commune, d’amour partagé et une complicité extraordinaire.

Un jour elle me demanda si cela me tenterait d’aller en vacances dans une Ile. Pourquoi pas ai-je pensé, il y a maintenant des ponts. Cela parait puéril c’était ma condition pour accepter ce qu’elle me proposait. Elle aimait tellement la mer que je ne pouvais décemment pas refuser. Toute sa famille était de Noirmoutier, ses parents y étaient revenus à leur retraite depuis six mois et elle se languissait d’eux me répétait-elle souvent. Alors pour lui faire plaisir, j’acceptai.

Quand je la regardais, si heureuse, une vraie gamine qui attend le père Noel, je ne regrettais rien. Les deux mois précédant la date de notre départ passèrent très vite. Il n’y avait pas une journée sans qu’elle ne me soule littéralement avec ces vacances et « son » Ile ! Je dois reconnaitre que je ne comprenais pas trop cette euphorie. Cela faisait quatre années que nous partions tous les deux à travers la France et jamais elle ne s’était tant emballée.

Mais tu ne peux pas comprendre mon amour, j’y suis née, j’y avais plein d’amis, ils me manquent et je suis si contente de revoir mes parents ! J’avais quand même l’impression qu’elle en faisait trop, mais elle paraissait si enthousiaste …

Effectivement je me souvenais qu’elle me parlait assez souvent de Noirmoutier, de ses rivages, de ses pommes de terre, de ses balades en bateau, de son passage du Gois, de l’Herbaudière, des marais salants mais bon ! Tout cela ne justifiait pas à ce point autant d’euphorie.

Il faut dire que j’étais né à Paris, rien de transcendant, au cinquième étage sans confort et des parents continuellement absents à cause de leur emploi. Ils étaient tous les deux infirmiers avec des horaires complètement déments et pas vraiment en phase pour l’éducation d’un enfant. Leurs horaires changeaient tout le temps que soit la nuit, le jour, ou moitié nuit moitié jour, les jours fériés etc. je les voyais à peine. C’était notre voisine qui s’occupait bien souvent de mes repas ou de mon petit déjeuner. Ils auraient pu s’arranger, mais ils travaillaient dans le même hôpital, ce qui n’était pas facile.

Alors quand nous nous retrouvions exceptionnellement tous les trois, nous n’avions plus rien à nous dire sinon les questions toutes faites : tu manges bien à la cantine ? Tu as fait tes devoirs ? Et plus tard quand je fus adolescent ce furent d’autres questions : tu sors ? Tu as des copains, tu as une copine ?

Je souriais et ne répondais pas. Quand nous nous sommes mariés ils ne le surent que trois semaines avant.

Ce fut une petite cérémonie toute simple avec nos copains communs. Nous avions trouvé un studio pas trop cher à l’autre bout de Paris et je n’ai plus vu mes parents. Cela ne me gênait pas.

J’avais trouvé un petit boulot dans une grande entreprise à la maintenance informatique et ma femme était coiffeuse.

Ces vacances lui tenaient tant à cœur que je commençais moi aussi à être impatient de partir.

Le mois de Mai arriva enfin et tout était prêt pour notre voyage. Nous voulions éviter les vacances scolaires et ne pas être trop envahis par le monde mais bon , ce sont les vacances ! Nous partîmes à cinq heures du matin afin d’arriver tranquillement à notre location dans un gite, allée des mimosas à Noirmoutier en l’ile, une jolie maison de caractère avec bien sûr, les volets peints en bleu. Très confortable avec une cheminée. Incroyable comme ces maisons sont belles ! Je dois avouer que cela valait tous les logements « vue sur mer » que nous avions repérés sur internet ! Dehors une jolie terrasse sur un gentil jardin, le rêve. Trois semaines de bonheur nous attendaient La plage n’était pas loin, nous pourrons y aller à pieds ou en vélo.

Le lendemain nous avons loué deux vélos.

Clotilde était resplendissante dès le soir même, elle avait pris des couleurs et la fatigue de son année de travail semblait envolée. Nous avions marché, marché encore et encore, à prendre le vent marin dans le visage, respirer l’air pur et surtout parler, parler… elle me racontait son enfance, elle me racontait ses escapades avec ses copines de collège. Elles partaient le mercredi matin très tôt et fonçaient vers la plage des Dames. Pour s’y rendre, deux jeunes gens qu’elles connaissaient bien les embarquaient sur leurs petits voiliers qu’ils louaient aux estivants.

Arrivés à destination sur cette plage immense et couverte de sable fin, ils dormaient, riaient jouaient au ballon ou bien me dit-elle en rougissant : nous flirtions.

Je la trouvais charmante avec cette retenue de jeune fille. Elle m’avait parlé de ses amis Noirmoutrins me disant qu’en fait elle ne les avait jamais revus depuis qu’elle avait quitté l’île.

Le soir nous avons pu diner dehors sur la terrasse et franchement je ne cessais de me répéter que j’avais bien fait de l’écouter. Quel endroit merveilleux que cette île, moi le parisien plutôt campagne, je découvrais le plaisir simple de la béatitude devant un coucher de soleil sur la mer. Nous étions fatigués de notre longue marche mais heureux.

Le lendemain pendant que nous déjeunions sur la terrasse, elle me proposa une petite virée sur la plage des Dames ; elle voulait que je connaisse l’endroit qu’elle qualifiait de magique. Je n’étais pas très fier car je craignais une petite histoire d’amour qu’elle m’aurait cachée et je préférais qu’elle ne me parle pas de « tout ça ». De la jalousie sans aucun doute et pourtant je savais qu’elle n’était qu’à moi, qu’elle m’aimait, mais le bonheur est si fragile !

J’acceptais malgré tout et le lendemain nous y allâmes en voiture en empruntant les avenues Pineau, Victoire puis Clémenceau. Un jeu d’enfants. Nous trouvâmes tout de suite une place de parking car nous avions l’intention d’y passer la journée. Nos glacières remplies de crudités, de cochonnailles et de vin rouge léger réjouissaient les papilles. Ce soir nous passerons par Noirmoutier l’île où nous avions réservé à « la fleur de Sel » un restaurant réputé pour ses fruits de mer.

Il faisait un temps splendide et Clotilde s’étant allongée semblait dormir. Moi je dois reconnaitre que je somnolais également quand soudain ma femme poussa un grand cri ! Elle devait rêver mais je levai d’un bond et me penchai vers elle en la secouant doucement.

— Que se passe-t-il ma chérie ?

— Rien rien un cauchemar sans doute …

— Mais tu as vraiment crié très fort ?

— Bon n’en parlons plus je te dis que c’était un mauvais rêve.

— Raconte si tu veux ça te soulagera.

— Je te dis de ne plus en parler d’accord ?

Le ton employé me sidéra. Jamais elle ne m’avait parlé avec cet agacement.

La matinée passa rapidement sans que nous échangions une parole. Je respectais son silence mais j’étais particulièrement sur les nerfs et quand le soir nous arrivâmes au restaurant je remis ça:

— Tu peux me le dire maintenant à quoi correspondait ton rêve ?

— Oui je vais te raconter mais ensuite je ne suis pas sûre que tu veuilles rester ici.

— Vas-y…

Elle commença à parler d’une voix basse. Il fallait que je force mon attention pour comprendre puis tout devint très clair.

Il y a dix ans, elle venait d’avoir vingt ans et était tombée follement amoureuse d’un noirmoutrin qui habitait Vieil, près de ses parents.

Ils allaient chaque jour avec une petite barque appartenant à son père rejoindre la plage des Dames quand tous les touristes étaient, soit au restaurant soit rentrés chez eux fourbus de leur balade à travers l’île.

Leur amour dura le temps d’un été. Clotilde devait repartir avec ses parents sur Paris et le garçon travaillait comme serveur pour payer ses études justement au restaurant dans lequel nous étions en train de dîner. Ce n’était pas une coïncidence, c’est elle qui avait choisi ce lieu. Elle me l’avoua en même temps que tout le reste.

Un soir juste la veille de partir ils décidèrent de passer la nuit sur la plage.

Comme d’habitude ils vinrent en barque et …..

Un geste trop brusque de Clotilde qui se leva d’un bond à l’arrière de la barque les fit chavirer.

Ils savaient tous les deux nager, mais ils n’avaient pas envisagé qu’ils venaient de dîner et copieusement en plus.

Johan coula à pic.

Clotilde, perdue et effrayée put tant bien que mal regagner la rive, ils n’étaient pas très éloignés de la plage. Ils y étaient presqu’arrivés. Elle ne fit rien pour sauver Johan qui l’appelait, la suppliait de venir l’aider… Trop peur des représailles, elle le laissa se noyer. Elle pleurait en me racontant cela et surtout insistait sur le fait qu’elle ne savait pas quoi faire, la barque était retournée et …

Je la pris dans mes bras, essayant de la calmer et lui affirmant que tout cela n’était pas de sa faute, qu’elle avait eu peur... Enfin toutes les phrases que l’on dit dans ces moment-là.

Nous rentrâmes dans notre location, sans un mot, perdus tous les deux dans nos pensées.

Dans la nuit, j’entendis vaguement du bruit dans la cour. Je pensai que c’était un animal et je me rendormis.

On frappa fort à la porte vers six heures du matin, il faisait à peine jour. J’ouvris en me grattant la tête et je vis deux gaillards de mon âge à peu près tenant ma Clotilde, ruisselante.

Cette femme est la vôtre ? On l’a trouvée morte cette nuit sur la plage des Dames. La mer l’a sûrement ramenée avec la marée. Elle avait ça pourtant près d’elle… une bouée… On ne comprend pas pourquoi elle l’a emportée et surtout pourquoi elle ne l’a pas mise…

Je ne savais plus quoi faire ni dire. Tout se déroulait si vite !

Quand je vis sur la table de chevet une enveloppe à mon nom.

Je l’ouvris en tremblant.

Jeannot, tu n’aurais jamais dû insister pour que je te raconte mon cauchemar. C’était Johan qui m’appelait et tu sais ce qu’il me disait ? N’oublie pas la bouée cette fois, que l’on ne fasse pas naufrage deux fois …

Je ne suis jamais revenu dans l’île. Ses parents l’ont enterrée au cimetière du village et moi je suis rentré chez moi, seul….

FIN

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Publié le par marie chevalier
Publié dans : #mes nouvelles

Les manies d’Elsa

Elsa surveillait ses plats en s’installant à la table de cuisine pour faire son courrier.

Elle n’aimait pas faire la cuisine mais il faut bien se nourrir pas vrai ?

Si elle avait été plus riche, elle se serait contentée de salade en sachets, de légumes séchés et les plats cuisinés la tentaient également. En fait si elle pouvait ne pas être plantée devant une cuisinière elle serait la plus heureuse des femmes.

Sa passion était de faire des mots fléchés ou d’écrire des missives. Pas n’importe lesquelles ! Dans sa boite à lettres, tous les jours, elle recevait des réclames pour tel ou tel magasin de meubles, de vêtements, de grandes surfaces alimentaires donc un jour elle avait décidé d’écrire à toutes ces maisons. Elle ne leur demandait rien de précis, simplement elle leur passait un message toujours le même quelle que soit la maison à laquelle elle écrivait.

Elle leur demandait combien leur coutait cette publicité que systématiquement quatre- vingt pour cents des gens mettaient à la poubelle. C’était tout. Elle en envoyait une dizaine par jour et se régalait en attendant la réaction. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, elle avait calculé que sur la quantité envoyée elle recevait environ cinquante pour cent de réponses. C’était inouï ! Cela voulait dire que dans les grands magasins il y avait un employé particulièrement affecté à la réponse à ce genre de courrier.

Quand elle racontait cela à ses copines, celles-ci demeuraient sceptiques jusqu’à ce qu’elle leur montre les réponses. D’ailleurs elles se ressemblaient toutes : Nous avons bien reçu votre courrier du …. Nous le faisons suivre à notre service commercial qui ne manquera pas de vous contacter….

Elle patientait une quinzaine de jour et relançait. Parfois il lui est arrivé de faire cinq lettres avant d’avoir enfin une vraie réponse.

Madame, notre publicité est indispensable et nous permet de faire travailler du personnel, qui sans elle, serait licencié faute de moyen. Vous l’avez compris chère Madame, nous faisons en même temps une grande œuvre sociale : nous faisons travailler les imprimeurs et bien d’autres gens dont vous n’avez pas idée !...

Elle les remerciait et insistait : … justement comme je n’ai aucune idée du nombre de personnes que vous faites vivre grâce à votre publicité, je me pose la question : sans pub que feriez-vous ? Vous n’existeriez pas ? …

Et là, elle avait beau relancer, voire même téléphoner, elle n’avait plus de réponse. Un jour elle demanda à être reçue par le Directeur Général d’une grande marque de meubles. Ce fut le parcours du combattant et elle ne réussit jamais, malgré son audace, à avoir un entretien avec un PDG.

Alors elle passa à autre chose.

Elle se mit à compter le nombre d’appels téléphoniques publicitaires qu’elle recevait. Aimable, elle demandait les adresses des sociétés et leur affirmait qu’elle allait immédiatement prendre contact. Ce qu’elle faisait ! Dans le même esprit que pour les autres publicités papier.

Au bout d’un an, elle se rendit compte qu’elle rencontrait les mêmes refus et les mêmes réponses et surtout les mêmes fins de non-recevoir.

Alors elle cessa également.

Et puis elle commença à regarder attentivement son propre courrier : assurances, sécurité sociale, impôts, eau, EDF etc… jusqu’au jour, venant directement de sa compagnie d’assurances, elle reçut une proposition de convention d’obsèques. Elle lut et intéressée, elle écrivit.

Elle obtint son rendez-vous dans la semaine. Un jeune homme charmant la reçut et lui expliqua de A à Z comment ils pratiquaient en cas de décès.

Elle était ravie. Enfin quelqu’un qui aimait son travail.

Elle lui fit remarquer, et tout en rougissant le jeune homme lui confia qu’il avait rarement rencontré dans sa carrière, certes courte, une femme aussi jolie qu’aimable.

Elle se regarda dans la grande glace qui lui faisait face et dut reconnaitre qu’elle avait fière allure. Elle félicita l’employé pour ses compétences commerciales et toute pimpante lui demanda si elle pouvait essayer le modèle avant de s’assurer.

Le pauvre garçon crut mal comprendre. :

— Madame veut essayer quoi ? Il s’agit d’un contrat à signer tout simplement ?

— J’entends bien jeune homme, mais je dois assurer mes arrières. Imaginez que le grand jour arrive, vous me mettez dans une boite en bois blanc avec ce que je vais vous payer tous les mois, je choisis d’avoir le plus beau, que ceux qui viendront à mon enterrement soient estomaqués devant tant de splendeurs vous comprenez ?

Le jeune homme affolé appela son patron et lui expliqua les exigences de sa cliente.

Celui-ci prit son plus beau sourire et devant Elsa, demanda à son employé de téléphoner aux pompes funèbres.

— Car voyez-vous Madame, nous ne sommes que des intermédiaires.

— Bien sûr mais prenons rendez-vous avec les pompes funèbres directement et venez choisir avec moi les détails de la cérémonie qu’ils me proposeront.

Le patron de l’agence d’assurances n’avait encore jamais été confronté à une telle demande mais là encore le rendez-vous fut pris pour le surlendemain, au local des Pompes Funèbres, ainsi Elsa pourra choisir ce qu’elle souhaite et l’assurance rédigera son contrat en conséquence.

Le lendemain, elle alla chez le coiffeur, et dans son institut de beauté habituel. Elle voulait être resplendissante devant tous ces hommes. Elle passa toute la journée à se faire belle et avant de rentrer s’acheta de magnifiques vêtements. : Une robe du soir longue et noire, très décolletée devant et dans le dos, des escarpins fins et rouges assortis à un somptueux sac à mains et à une écharpe.

Le jour « J » elle était prête. Elle avait appelé un taxi pour ne pas avoir à attendre un bus risquant de se décoiffer à l’abribus ouvert sur trois côtés.

Quand elle descendit de la voiture devant les Pompes Funèbres, l’assureur et son patron l’attendaient. Stupéfaits, ils restèrent sans voix. Elsa telle une reine leur tendit le bras d’un geste lent. Ils se penchèrent vers elle et lui baisèrent la main.

— Je vous salue Messieurs, tout est prêt ?

— Et bien nous allons vous présenter plusieurs modèles et surtout vous montrer tous les accessoires qui accompagneront la cérémonie. Parfois c’est ce qui coute le plus cher n’est- ce pas ?

Elle fit le tour dans la grande salle où étaient exposés les plus beaux cercueils en chêne, acajou, ou même en bois de rose !

Elle en choisit un, superbe, avec des poignées dorées.

— C’est de l’or ?

— Non Madame du plaqué seulement hélas !

— Bon ça ira, on ne va pas chipoter, minauda-t-elle.

Ils passèrent environ une heure pour qu’elle puisse vraiment tout voir et marchander. Enfin, elle regarda le gérant des Pompes Funèbres et lui dit :

- Faites-moi livrer tout cela chez moi le plus tôt possible.

— Mais Madame c’est impensable ! Nous ne sommes que dépositaires et ne pouvons nous séparer de ces objets !

— Et si je meure demain ?

— Cela serait différent bien sûr, vous auriez eu la chance d’avoir eu tout à votre gout et l’assurance malheureusement ne pourrait rien pour vous.

Ceux-ci firent vraiment une drôle de tête car le contrat était signé et le délai pour être exécutif était de six mois. Ils ne pourraient effectivement rien faire si le matériel assuré était utilisé avant.

Elsa remercia et tous confirmèrent d’une part, que tout ce qu’elle avait choisi lui serait livré très rapidement et les assureurs contrits repartirent bredouilles se demandant comment ils allaient régler ce nouveau problème. Ils avaient bien compris que cette dame voulait assurer ses nouveaux achats mais en les gardant chez elle ? Que de drôles de gens quand même !

Mais on peut quand même garder le contrat, elle va payer, tant pis s’il arrive quelque chose avant six mois.

Le commercial des Pompes Funèbres jubilait, il faisait une bonne affaire ? Cela allait être réglé, payé avant même d’avoir servi !

Deux jours plus tard un camion de livraison stoppa devant le pavillon. Ils sortirent d’abord le cercueil. C’est Elsa qui les fit entrer et leur demanda de le mettre dans la chambre d’amis. Ils ressortirent chercher le reste et… plus d’Elsa !

Ils cherchèrent partout, appelèrent en vain. Ils ne savaient vraiment plus quoi faire sinon appeler leur Directeur.

— Pas de soucis, cette dame est une originale, elle a dû laisser le règlement sur la table de cuisine, partez, vous avez d’autres livraisons à faire, de mon côté je l’appellerai tout à l’heure.

Les gars rassurés refermèrent la porte du pavillon sans oublier de dire — Au revoir Madame !

Personne ne répondit et pour cause.

Cette idiote d’Elsa avait voulu essayer le cercueil, s’était couchée dedans, avait glissé le couvercle doucement et celui-ci s’était coincé ! Elle avait choisi un modèle tellement capitonné que les livreurs ne l’entendirent ni crier ni taper.

Elle fut retrouvée morte étouffée quelques jours plus tard quand l’employé des pompes funèbres, inquiet de ne pas recevoir le règlement de sa facture, avait décidé de se déplacer.

Maintenant il y a une grande affiche sur la vitrine des Pompes Funèbres :

AUCUNE LIVRAISON N EST EFFECTUEE A DOMICILE SANS CERTIFICAT DE DECES

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Publié le par marie chevalier
Publié dans : #mes nouvelles

L A G A L E R E D E S T A X I S P A R I S I E N S

- Bonsoir Julie, tu restes encore un peu ? Tu fermeras ?

- Oui, oui, allez-y tranquilles les filles il faut que j’appelle un taxi…

- Ah ! Oui, c’est vrai ta fameuse « claustro » !

- C’est cela oui, ma claustro comme vous dites, c’est d’une gentillesse ! Allez à demain.

Julie alla fermer la porte de l’agence immobilière ou elle travaillait, revint à son bureau et commença à composer le numéro des « taxis verts » .

La sonnerie ne dura même pas une vingtaine de secondes et une voix suave commença : « Bonjour, nous vous remercions d’avoir fait appel à notre compagnie, nous vous demandons de bien vouloir patienter, une opératrice va vous répondre.. »

Bien, cela ne commence pas si mal se dit Julie, coup de bol, je les ai eus tout de suite. Elle cala le combiné sur son épaule gauche fouilla dans son sac. Elle ouvrit son porte-monnaie, et compta. Bon, elle avait environ cinquante francs et un billet de deux cents francs.

Tout allait bien, elle regarda sa montre, deux minutes qu’elle attendait l’opératrice. Ce n’est rien, hier j’ai patienté quatre minutes, alors il n’y a rien de perdu, se rassurait-elle.

- Allô ! Vous avez demandé un taxi, pour quelle destination s’il vous plaît ?

- Bonjour, madame, Boulevard Barbès, s’il vous plaît..

- Votre numéro de téléphone…

- 01 …..

- C’est pour aller où, m’avez-vous dit ?

- Boulevard Barbés..

- A quel numéro ?

- Au coin de la Rue Custine et du boulevard..

- Je vous ai demandé à quel numéro ?

- Mais je n’en sais rien, c’est au carrefour, je l’indiquerai au chauffeur…

- Ne quittez pas..

« Bonjour, nous vous remercions d’avoir fait appel à notre compagnie, ne quittez pas nous recherchons votre voiture...

« Vous avez fait appel aux « taxis verts » nous vous remercions de votre appel, ne quittez pas, nous recherchons votre voiture…

« Savez-vous que vous pouvez savoir tout de suite la disponibilité de votre véhicule en composant le 3615 « taxis verts » sur minitel, cela vous évitera une attente…

« Bonjour, vous êtes bien aux « taxis verts », ne quittez pas, nous recherchons votre véhicule… »

Julie commençait à ne pas se sentir bien, c’était cela les symptômes d’angoisse. Il y avait maintenant dix minutes qu’elle était en ligne et toujours cette voix « off » qui lui ressassait le même disque. Elle ouvrit de nouveau son sac à mains, sortit un mouchoir en papier, s’essuya les mains qui devenaient moites, leva un bras, puis l’autre pour s’aérer.

Elle reprit bien en mains le combiné, respira un bon coup et de nouveau se concentra sur le message !

« Bonjour, nous vous remercions de votre appel et nous recherchons votre voiture…Savez-vous que vous pouvez effectuer une réservation de 22 heures jusqu’à 7 heures ? Il suffit d’appeler au service de réservation au numéro : 01…..

« Vous restez en ligne nous recherchons votre voiture… »

Bien sûr que je reste en ligne, bien sûr, qu’est-ce que je peux faire d’autre ? Julie commençait sérieusement à s’agiter et à perdre le contrôle de ses nerfs, cela faisait vingt minutes qu’elle était « scotchée » à cette saloperie de téléphone et personne n’était encore venu lui parler.

Enervée, elle raccrocha et se dit qu’elle ne pouvait pas attendre jusqu’à demain, elle allait essayer d’obtenir une autre compagnie. Elle ramassa son sac, elle commençait à trembler légèrement tellement elle se stressait, l’heure tournait et bientôt elle se retrouverait dans les embouteillages de dix- huit heures et pour aller de République à Barbès, elle mettrait encore trois quarts d’heure !

- Bonjour, je suis bien à la SAT (société des artisans taxis) ?

- Je voudrais un taxi pour aller à Barbès…

- Bien sûr, Madame quel est votre numéro de téléphone.

- 01…

- Ne quittez pas, nous recherchons votre voiture…

- Merci..

Ouf ! Cette fois, je crois que ça y est, se dit Julie. Elle se détendit, se repeigna d’une main, et chercha du regard un papier et un crayon pour noter l’heure, une vieille habitude !

Il était 17 heures cinquante cinq. Putain, cela fait presque une demi-heure que je m’énerve, c’est vraiment de pire en pire, ces taxis…

- Allô, vous êtes bien le numéro :01….

- Oui, madame…

- Une voiture dans dix quinze…

- D’accord, merci !!!

Une bouffée d’air frais lui tombait dessus, elle sourit toute seule et se dit qu’il était dommage de s’énerver pour si peu. Elle s’agita, récupéra sa veste en jean, rangea les accessoires de son bureau, chercha les clés de l’établissement et après un bref regard circulaire, elle sortit de l’agence, se pencha pour verrouiller la porte, remit les clefs dans son sac et s’installa, bien visible au bord du trottoir pour guetter son « sauveur » ! Il était dix- huit heures cinq. Rien de perdu, on lui avait dit dix quinze minutes. Jusqu’à dix- huit heures dix, il n’y avait pas de panique.

A chaque fois qu’elle voyait arriver au loin un taxi allumé, elle se rapprochait encore plus du bord du trottoir. Mais fausse alerte, ils passaient tous sans s’arrêter. Elle recommençait à ne pas être à l’aise. Dix- huit heures vingt, toujours pas de taxi à l’horizon. Elle regardait sans cesse sa montre et s’appuyait au poteau du feu rouge. C’était bien d’ailleurs, elle se calait juste au feu rouge comme cela, le chauffeur n’avait pas de manœuvre à faire. Il continuait tout droit et si tout allait bien vingt minutes après elle était rentrée. Elle se marmonnait tout cela pour éviter de penser que le temps passait et qu’il était maintenant dix- huit heures vingt cinq.

Tout à coup, au bord des larmes, elle fit demi-tour, prit la clé de l’agence dans son sac, entra de nouveau, composa le numéro de la société de taxis.

- Allô ! Madame, j’ai demandé un taxi il y a une demi-heure, je suis en train de l’attendre devant mon établissement et il ne vient pas, pouvez-vous vérifier… ?

- Vérifier quoi, madame ?

- Mais qu’il est sur le chemin, qu’il va venir, je ne sais pas moi ! Merde ! Cria-t-elle excédée.

- Restez correcte, Madame, je vais voir, vous ne quittez pas..

-Non je ne quitte pas ! Aboya-t-elle.

-Cinq minutes passèrent de nouveau, elle n’en pouvait plus elle craquait, elle allait pleurer, s’effondrer, là sur son bureau, et demain, ils la retrouveraient endormie, lasse, si lasse… et invariablement, la voix lui disait : « ne quittez pas, nous recherchons votre voiture… »

Puis, il y eut un déclic, l’horreur, une effroyable sonnerie « occupé » lui résonna dans l’oreille. Non, ce n’était pas vrai, cela ne pouvait pas être vrai, ce n’était pas possible !

Les jambes tremblantes, elle se leva, se retenant au bureau, elle allait faire quoi maintenant ?

Elle refit le numéro des « taxis verts » .

« Bonjour, merci d’avoir choisi notre société, ne quittez pas une opératrice va vous répondre…

Elle raccrocha violemment.

Elle fit de nouveau le numéro de la SAT.

Elle avait les larmes qui lui coulaient sur le visage, elle transpirait, était toute rouge, se sentait très mal.

- Allô ! Bonjour, tout à l’heure, nous avons été coupés, j’avais demandé un taxi pour…

- Ne quittez pas, vous êtes bien au numéro : 01…..

- Oui, murmura –t-elle, n’osant croire au miracle.

- Le chauffeur vous a attendue tout à l’heure, madame, ce n’est pas gentil de faire faux bond, dans ce cas, il faut avoir le courage d’annuler la course, ce n’est pas bien.

- Mais je n’ai pas vu de chauffeur, je vous assure, j’étais devant la porte et personne n’est venu, je l’aurais vu, croassa Julie, s’étranglant de colè
re.

- Vous êtes bien au 22 Boulevard du Temple ?

- Mais non, je suis au 22 Rue du FAUBOURG DU TEMPLE !

- Ah ! C’est pour cela, il y a eu une erreur, vous auriez dû préciser, Madame, on ne peut pas deviner, vous voulez toujours une voiture ?

- Mais bien sûr, plus que jamais, il est dix- huit heures quarante cinq, vous vous rendez compte que cela fait une heure que j’essaie d’avoir un taxi…

- Ne quittez pas…

« Bonjour, merci d’avoir choisi notre compagnie, ne quittez pas, nous recherchons votre voiture… »

En nage, Julie essayait de reprendre son sang-froid : je ne m’énerve pas, je me calme, ce n’est rien, il y a des choses plus importantes dans la vie…

- Allô ! Vous êtes bien au numéro : 01… ?

- Oui…

- Désolée, madame pas de voiture pour l’instant, rappelez ultérieurement…

Tut... tut…tut…tut…

- Allô ! Chéri, tu es rentré ? Cela t’ennuierait de venir me chercher en voiture, on pourrait passer au Bazar de l’Hôtel de Ville, qu’en penses-tu ?

- D’accord, je vais me débrouiller, à tout à l’heure.

***

Ce vendredi après-midi, Julie ne travaillait pas.


Il faisait très beau et elle décida de passer tout d’abord par le marché Saint-Pierre car il y avait longtemps qu’elle souhaitait changer ses voilages.

En quittant son bureau, elle alla manger un sandwich chez Farsaz, le petit café d’à côté

Au bout d’une demi-heure, elle sortit et héla un taxi qui arrivait, et qui ralentissait. Il stoppa à sa hauteur et là, oh ! Malheur, elle se fit littéralement insulter par un chauffeur irascible qui ne supportait pas les gens qui fumaient ! Il s’était mis dans une telle colère quand il l’avait aperçue une cigarette à la main ! Bien entendu, elle l’aurait éteinte dès qu’elle aurait ouvert la portière, mais il ne lui a pas laissé le temps. Il s’est mis à hurler en sortant de sa voiture comme un fou, que personne ne mettrait les pieds dans SA BAGNOLE avec une cigarette, qu’il était hors de question qu’il transporte des gens qui ne respectaient rien, même pas les taxis, et que les femmes qui fumaient feraient mieux d’aller « torcher leurs mômes» ! Pourquoi pas ? Mais il n’y eut aucune discussion possible, il démarra en trombe et la laissa sur le trottoir, comme une idiote et bien embêtée car obligée d’appeler une autre voiture !

Elle ne se démoralisa pas et comme le temps s’y prêtait, elle décida de descendre jusqu’à République en chercher une directement à une station. Mal lui en prit !

Il y avait une dizaine de voitures en stationnement ce qui la rassura pleinement quand elle se présenta au premier chauffeur en tête, comme le veut l’usage.

- Ou allez-vous exactement ?

- Au Marché Saint-Pierre…

- Mais vous ne pouvez pas y aller à pieds ?

- Non, si je prends un taxi c’est que j’ai mes raisons, commença t-elle à expliquer.

- Mais je m’en fous de vos raisons, tout compte fait, je ne veux pas vous emmener, la course est trop courte, je n’ai pas attendu le client pendant plus d’une demi-heure, pour me retrouver au Sacré-Cœur. En plus à cette heure-ci, il n’y aura pas un chat et je serais obligé de revenir à vide.

- Mais attendez, ce n’est pas en grande banlieue que je vous emmène, c’est dans Paris, donc des clients vous en trouverez toujours, non ?

- Cela c’est moi que ça regarde, vous n’avez qu’à aller demander à mon collègue, le dernier là-bas s’il veut bien vous prendre…

- Mais il va me dire qu’il faut que je prenne celui qui est en tête ! S’énerva Julie.

- Et bien voyez ça avec lui !

- Vous vous fichez du monde, je ne vois pas pourquoi vous ne voulez pas m’emmener même si la course n’est pas longue, vous n’avez pas tous les jours des gens à emmener aux aéroports quand même !

- Bon, je me tire, vous commencez vraiment à m’énerver.

Sur ce, il fit un démarrage sur les chapeaux de roue, plantant Julie, hors d’elle mais très ennuyée. Après s’être reprise, elle s’avança et cogna à la vitre du dernier de la file :

- Bonsoir, monsieur, au Marché Saint-Pierre, s’il vous plaît ?

- Mais pourquoi ne prenez-vous pas le premier en tête ? C’est la règle, madame, je suis nouveau dans le métier, je ne veux pas avoir d’ennuis.

- Il a refusé la course, d’ailleurs, il est parti, il trouve que je ne vais pas assez loin…

- Remarquez, il n’a pas tort, vous ne voyez pas que nous sommes garés devant un hôtel et que l’on fait souvent appel à nous pour emmener des clients à l’aéroport ?

-Mais je ne veux pas le savoir, vous êtes à une borne de taxi, je m’adresse au premier comme le veut la coutume, il m’envoie vers vous et là, vous me dites que vous ne prenez que les clients de l’hôtel, mais je vais finir par m’énerver et je relève votre numéro, et je vais appeler la police ! S’énerve Julie.

- Appelez, madame, si cela peut vous faire du bien, mais le temps qu’ils arrivent pensez bien que je ne serai plus là et personne ne me « tirera dans les pattes » on est solidaires, nous !

- Ca j’avais remarqué dans la connerie, vous vous tenez les coudes !

Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase, le taxi fit une marche arrière brutale, démarra et le chauffeur lui fit un bras d’honneur en passant.

Mon Dieu quelle galère ! J’en ai marre, je n’en peux plus ! Elle était au bord de la crise de nerfs, quand un nouveau taxi arriva.

-Que se passe t-il ? Un problème ?

- Ce sont vos collègues, ils me renvoient au premier puis au dernier et finalement, aucun ne veut m’emmener.

- Et ou allez-vous ?

- Au marché Saint-Pierre…Annonça-t-elle timidement.

- Allez en voiture, moi j’adore les petites courses, je suis sûr d’en faire plus, et de trouver des clients surtout dans Paris, il y a plein de « mémés » qui reviennent des magasins à cette heure-ci, c’est bon pour moi ! Et puis plutôt que de rester une demi-heure à attendre un client hypothétique, je préfère rouler !

Julie se confondit en remerciements, disproportionnés avec ce qui venait d’arriver, car enfin, il était tout à fait normal, qu’un chauffeur de taxi l’emmenât là où elle le souhaitait puisqu’elle réglait la course ! Mais ce fut ce dernier chauffeur qui la réconcilia provisoirement avec la corporation, et elle écouta, béate, les histoires qu’il lui racontait.

***

Monsieur Farsaz, le patron du bar connaissait bien Julie, elle déjeunait presque tous les jours chez lui et ils discutaient souvent de tout et de rien. Le soir, elle s’installait fréquemment pour boire un pot en attendant son mari qui faisait son possible pour passer la prendre afin qu’elle ne « s’use pas les nerfs » dans sa chasse aux taxis.

- Madame Julie, votre mari vient de prévenir, il ne peut pas venir vous chercher, votre voiture est en panne.

- Quoi ? Croassa t elle, ce n’est pas possible ! Mais comment je vais rentrer chez moi !!!

- Mais vous n’habitez pas loin, Madame Julie, à pieds, vous en avez pour une demi-heure trois quarts d’heure !

Ce que ne pouvait comprendre Farsaz, c’est que Julie ne pouvait même pas essayer de partir à pieds et de marcher sur les trottoirs bondés à cette-heure ci. La claustrophobie est une chose, mais les angoisses qu’elle génère sont handicapantes à souhait. Ses jambes tremblaient, elle était en sueur Elle craignait à chaque instant de tomber car dans ces cas-là, elle était comme ivre, et sujette aux vertiges.

Ce jour-là, en larmes, elle rentra se « terrer » dans son bureau, et attendit de s’être calmée et vers huit heures du soir, essaya de nouveau de téléphoner à une entreprise de taxi. Elle obtint une voiture facilement vers les 20 heures trente et elle oublia toute cette histoire.

***

Huit jours plus tard, alors qu’elle s’apprêtait à appeler de nouveau la SAT, vers 7 heures trente du matin, elle réfléchit et pensa qu’elle ne se sentait pas trop mal aujourd’hui et qu’elle pourrait en prenant sur elle, traverser tout le boulevard et aller en chercher un à la station de taxis la plus proche, à environ dix minutes à pied.

Ce serait plus raisonnable, pensait-elle car quand elle appelait, elle payait déjà une mini- course du lieu ou se trouvait la voiture à son domicile, ce qui en augmentait considérablement le prix.

Elle arriva à la station, et elle constata qu’il n’y avait pas de voitures en stationnement. C’est normal, à cette heure-ci, ils circulent, ils ont beaucoup de courses, se rassura t-elle.

Elle attendait depuis cinq minutes environ, elle en voyait passer sur le boulevard, mais ils étaient tous pris. Une dame arriva avec un bébé :

- Il y a longtemps que vous attendez ?

- Non, cinq minutes à peine.

- Ah ! Bon, parce que je suis pressée, j’ai rendez-vous chez le pédiatre, pour le petit, il a de la fièvre, et son médecin ne peut pas se déplacer, je suis donc obligée de lui amener à son cabinet…

« Alors là, ma grande, si tu crois que tu vas m’émouvoir avec ton gamin, tu te trompes, tu fais comme moi, tu prends la file d’attente.. » Pensa-t-elle très fort.

- Remarquez, dit la jeune femme, avec un bébé dans les bras, je suis prioritaire, heureusement et je vous remercie d’avance de me laisser la première voiture..

- Mais pas du tout, nous ne sommes pas dans les transports en commun, il ne suffit pas de présenter une carte de quoi que ce soit, ce serait trop facile !

- Mais c’est dans les règles qui régissent les taxis, et de toute façon, si vous ne pouvez pas comprendre qu’il y a des priorités, je vous plains, vous devez être bien seule dans la vie !

- Mais si, je sais qu’il y a des priorités, moi, je suis prioritaire, j’étais la première et si vous n’êtes pas contente, vous rentrez chez vous et vous appelez une voiture, non mais !

Elles se regardaient méchamment, presque haineuses, et toutes pâles toutes les deux, elles étaient dans une fureur !

Tout à coup, un taxi ralentit sur le boulevard, le chauffeur leur fait signe d’avancer, et là, oh ! Horreur, un homme jeune déboule de derrière une colonne, ouvre la portière, et le taxi démarre… Elles hurlent toutes les deux, insultent de loin le chauffeur qui ne les entend plus, se regardent, et éclatent de rire nerveusement : Elles se sont bien fait rouler !

- Bon, si on se conduisait en adulte, dit Julie, où allez-vous exactement ?

- Je vais à l’Hôpital Saint-Louis et vous ?

- Moi, Rue du Faubourg du Temple, on va s’arranger on va prendre le taxi à deux et on partage les frais, d’accord ?

- D’accord.

Cinq minutes passent encore et arrive une voiture. Elles s’avancent calmement vers la portière et le chauffeur se penchant demande : c’est à qui le tour ?

- A nous deux, on le prend ensemble on va dans la même direction…

- Mais il n’en est pas question, je ne fais pas de voiturage, après pour me faire régler c’est la crois et la bannière, vous vous décidez, ou l’une ou l’autre mais pas les deux !

- Mais puisque l’on vous dit que l’on va dans la même direction !

- Mais pas au même endroit et quand l’une sera descendue, l’autre ne voudra plus régler, je connais bien ce procédé mais ça ne marche pas avec moi, mes jolies !

Sur ce, il verrouilla vivement ses portières et démarra en trombe, laissant les deux femmes sidérées sur le trottoir.

La jeune femme au bébé, dit au revoir à Julie en l’informant qu’elle rentrait chez elle. Elle allait effectivement essayer d’obtenir une voiture en téléphonant à une compagnie.

- Bonne chance, lui cria Julie !

De nouveau seule Julie avait envie de tout plaquer là, d’aller se recoucher en se disant que demain serait un jour meilleur !

Elle en était là de ses réflexions quand un taxi conduit par une femme s’arrêta à la station. Timidement, elle ouvrit la portière, s’assit en se glissant sur le siège arrière, attendant à tout moment un cri ou une remarque désagréable. Tout se passait normalement et ce qu’elle entendit lui fit chaud au cœur :

- Bonjour, madame, alors on va où aujourd’hui ?

- Rue du Faubourg du temple…

- Parfait, j’ai ma fille qui habite par-là, je pourrais ainsi aller lui rendre une petite visite. Car croyez-moi, ce n’est pas un quartier ou je vais de bon cœur, plein d’étrangers, et sales en plus, je me demande d’ailleurs comment elle fait pour vivre là. Il faut dire que son copain est nègre alors elle a l’habitude ! J’y vais d’ailleurs aujourd’hui car il n’est pas là, car vous comprenez bien qu’il n’est pas question que je rencontre ce « métèque » Elles ont des idées les filles maintenant ! Elles ne se rendent pas compte qu’ils sont des fainéants, des « maquereaux » et des proxénètes…Bla… Bla… Bla…..

Julie se demandait si elle ne rêvait pas, toutes ces horreurs débitées en deux minutes comme s’il s’agissait d’une conversation ordinaire, de salon ! Mais le monde est fou se dit-elle, et tout à coup, elle hurla :

- Je descends là !

- Mais nous ne sommes pas arrivées !

- Je m’en fous mais je ne resterai pas une seconde de plus à vous écouter tenir des propos racistes et débiter des conneries !

- Ah ! Encore une qui les défend, on aura tout vu ! C’est avec des gens comme vous que la France est devenue ce qu’elle est !

- MERDE !!!!!!!!!!

Julie s’affala sur un banc, son cœur battait à tout rompre, elle se tenait l’estomac, elle avait physiquement mal. Mais ce n’est pas possible, ils sont vraiment tous aussi cons !!!

Elle laissa passer une dizaine de minutes puis elle se leva et commença à héler des taxis au vol, la main levée. Elle n’eut pas à attendre très longtemps, une voiture se mit le long du trottoir, le chauffeur se pencha et lui demanda : où allez-vous ?

- Et vous ? Lui répondit-elle sottement

- Non, c’est vous qui avez besoin d’un taxi, pas moi, remettez-vous, vous êtes toute pâle, vous êtes malade, vous n’allez pas vomir dans ma voiture, car hier, j’ai pris une dame avec un chien, je n’aurais pas dû, en principe je refuse toujours, mais là je me suis laissé attendrir et voilà pas cinq minutes que nous roulions, j’entends un drôle de bruit derrière et je me retourne et qu’est ce que je vois ? Le chien en train de me dégueulasser ma banquette avec une housse toute neuve ! Vous vous rendez compte et la maîtresse, tranquille, attendait que cela se passe…Bla…Bla…Bla..

- Julie, réveille-toi !

- Julie, réveille-toi, il est six heures trente et tu sais que ce matin, les taxis sont en grève….

Il va falloir que tu te débrouilles à pieds ou en stop pour aller au boulot !

- Julie, je plaisante, lève-toi, je vais t’emmener au boulot, mais dépêche-toi !

D’un bond, elle se leva, et dix minutes après elle fut prête. Ils arrivèrent une demi-heure trop tôt à son bureau mais qu’importe, elle était arrivée !

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Publié le par marie chevalier
Publié dans : #mes nouvelles

ma nouvelle :

Une bouée,
rien qu’une boué
e

a reçu les félicitations du jury dans le cadre du PALMARES du CONCOURS DE NOUVELLES 2015

Organisé par l’Association « Autour des Lettres & des Arts de l’Épine
Et les Éditions Past’Ell
es

je la mets ici:

Une bouée, rien qu’une bouée…

Elle m’avait dit : je te donne ma parole que nous ferons toute notre vie ensemble, je t’aime.

Quand on a vingt ans, et qu’une jolie fille se pend à votre cou en prononçant ces mots, vous voyez des étoiles. Bien sûr vous la serrez dans vos bras en bégayant : moi aussi je te la donne.

Et pourtant nous sommes séparés. Au bout de cinq années de vie commune, d’amour partagé et une complicité extraordinaire.

Un jour elle me demanda si cela me tenterait d’aller en vacances dans une Ile. Pourquoi pas ai-je pensé, il y a maintenant des ponts. Cela parait puéril c’était ma condition pour accepter ce qu’elle me proposait. Elle aimait tellement la mer que je ne pouvais décemment pas refuser. Toute sa famille était de Noirmoutier, ses parents y étaient revenus à leur retraite depuis six mois et elle se languissait d’eux me répétait-elle souvent. Alors pour lui faire plaisir, j’acceptai.

Quand je la regardais, si heureuse, une vraie gamine qui attend le père Noel, je ne regrettais rien. Les deux mois précédant la date de notre départ passèrent très vite. Il n’y avait pas une journée sans qu’elle ne me soule littéralement avec ces vacances et « son » Ile ! Je dois reconnaitre que je ne comprenais pas trop cette euphorie. Cela faisait quatre années que nous partions tous les deux à travers la France et jamais elle ne s’était tant emballée.

Mais tu ne peux pas comprendre mon amour, j’y suis née, j’y avais plein d’amis, ils me manquent et je suis si contente de revoir mes parents ! J’avais quand même l’impression qu’elle en faisait trop, mais elle paraissait si enthousiaste …

Effectivement je me souvenais qu’elle me parlait assez souvent de Noirmoutier, de ses rivages, de ses pommes de terre, de ses balades en bateau, de son passage du Gois, de l’Herbaudière, des marais salants mais bon ! Tout cela ne justifiait pas à ce point autant d’euphorie.

Il faut dire que j’étais né à Paris, rien de transcendant, au cinquième étage sans confort et des parents continuellement absents à cause de leur emploi. Ils étaient tous les deux infirmiers avec des horaires complètement déments et pas vraiment en phase pour l’éducation d’un enfant. Leurs horaires changeaient tout le temps que soit la nuit, le jour, ou moitié nuit moitié jour, les jours fériés etc. je les voyais à peine. C’était notre voisine qui s’occupait bien souvent de mes repas ou de mon petit déjeuner. Ils auraient pu s’arranger, mais ils travaillaient dans le même hôpital, ce qui n’était pas facile.

Alors quand nous nous retrouvions exceptionnellement tous les trois, nous n’avions plus rien à nous dire sinon les questions toutes faites : tu manges bien à la cantine ? Tu as fait tes devoirs ? Et plus tard quand je fus adolescent ce furent d’autres questions : tu sors ? Tu as des copains, tu as une copine ?

Je souriais et ne répondais pas. Quand nous nous sommes mariés ils ne le surent que trois semaines avant.

Ce fut une petite cérémonie toute simple avec nos copains communs. Nous avions trouvé un studio pas trop cher à l’autre bout de Paris et je n’ai plus vu mes parents. Cela ne me gênait pas.

J’avais trouvé un petit boulot dans une grande entreprise à la maintenance informatique et ma femme était coiffeuse.

Ces vacances lui tenaient tant à cœur que je commençais moi aussi à être impatient de partir.

Le mois de Mai arriva enfin et tout était prêt pour notre voyage. Nous voulions éviter les vacances scolaires et ne pas être trop envahis par le monde mais bon , ce sont les vacances ! Nous partîmes à cinq heures du matin afin d’arriver tranquillement à notre location dans un gite, allée des mimosas à Noirmoutier en l’ile, une jolie maison de caractère avec bien sûr, les volets peints en bleu. Très confortable avec une cheminée. Incroyable comme ces maisons sont belles ! Je dois avouer que cela valait tous les logements « vue sur mer » que nous avions repérés sur internet ! Dehors une jolie terrasse sur un gentil jardin, le rêve. Trois semaines de bonheur nous attendaient La plage n’était pas loin, nous pourrons y aller à pieds ou en vélo.

Le lendemain nous avons loué deux vélos.

Clotilde était resplendissante dès le soir même, elle avait pris des couleurs et la fatigue de son année de travail semblait envolée. Nous avions marché, marché encore et encore, à prendre le vent marin dans le visage, respirer l’air pur et surtout parler, parler… elle me racontait son enfance, elle me racontait ses escapades avec ses copines de collège. Elles partaient le mercredi matin très tôt et fonçaient vers la plage des Dames. Pour s’y rendre, deux jeunes gens qu’elles connaissaient bien les embarquaient sur leurs petits voiliers qu’ils louaient aux estivants.

Arrivés à destination sur cette plage immense et couverte de sable fin, ils dormaient, riaient jouaient au ballon ou bien me dit-elle en rougissant : nous flirtions.

Je la trouvais charmante avec cette retenue de jeune fille. Elle m’avait parlé de ses amis Noirmoutrins me disant qu’en fait elle ne les avait jamais revus depuis qu’elle avait quitté l’île.

Le soir nous avons pu diner dehors sur la terrasse et franchement je ne cessais de me répéter que j’avais bien fait de l’écouter. Quel endroit merveilleux que cette île, moi le parisien plutôt campagne, je découvrais le plaisir simple de la béatitude devant un coucher de soleil sur la mer. Nous étions fatigués de notre longue marche mais heureux.

Le lendemain pendant que nous déjeunions sur la terrasse, elle me proposa une petite virée sur la plage des Dames ; elle voulait que je connaisse l’endroit qu’elle qualifiait de magique. Je n’étais pas très fier car je craignais une petite histoire d’amour qu’elle m’aurait cachée et je préférais qu’elle ne me parle pas de « tout ça ». De la jalousie sans aucun doute et pourtant je savais qu’elle n’était qu’à moi, qu’elle m’aimait, mais le bonheur est si fragile !

J’acceptais malgré tout et le lendemain nous y allâmes en voiture en empruntant les avenues Pineau, Victoire puis Clémenceau. Un jeu d’enfants. Nous trouvâmes tout de suite une place de parking car nous avions l’intention d’y passer la journée. Nos glacières remplies de crudités, de cochonnailles et de vin rouge léger réjouissaient les papilles. Ce soir nous passerons par Noirmoutier l’île où nous avions réservé à « la fleur de Sel » un restaurant réputé pour ses fruits de mer.

Il faisait un temps splendide et Clotilde s’étant allongée semblait dormir. Moi je dois reconnaitre que je somnolais également quand soudain ma femme poussa un grand cri ! Elle devait rêver mais je levai d’un bond et me penchai vers elle en la secouant doucement.

— Que se passe-t-il ma chérie ?

— Rien rien un cauchemar sans doute …

— Mais tu as vraiment crié très fort ?

— Bon n’en parlons plus je te dis que c’était un mauvais rêve.

— Raconte si tu veux ça te soulagera.

— Je te dis de ne plus en parler d’accord ?

Le ton employé me sidéra. Jamais elle ne m’avait parlé avec cet agacement.

La matinée passa rapidement sans que nous échangions une parole. Je respectais son silence mais j’étais particulièrement sur les nerfs et quand le soir nous arrivâmes au restaurant je remis ça:

— Tu peux me le dire maintenant à quoi correspondait ton rêve ?

— Oui je vais te raconter mais ensuite je ne suis pas sûre que tu veuilles rester ici.

— Vas-y…

Elle commença à parler d’une voix basse. Il fallait que je force mon attention pour comprendre puis tout devint très clair.


Il y a dix ans, elle venait d’avoir vingt ans et était tombée follement amoureuse d’un noirmoutrin qui habitait Vieil, près de ses parents.

Ils allaient chaque jour avec une petite barque appartenant à son père rejoindre la plage des Dames quand tous les touristes étaient, soit au restaurant soit rentrés chez eux fourbus de leur balade à travers l’île.

Leur amour dura le temps d’un été. Clotilde devait repartir avec ses parents sur Paris et le garçon travaillait comme serveur pour payer ses études justement au restaurant dans lequel nous étions en train de dîner. Ce n’était pas une coïncidence, c’est elle qui avait choisi ce lieu. Elle me l’avoua en même temps que tout le reste.

Un soir juste la veille de partir ils décidèrent de passer la nuit sur la plage.

Comme d’habitude ils vinrent en barque et …..

Un geste trop brusque de Clotilde qui se leva d’un bond à l’arrière de la barque les fit chavirer.

Ils savaient tous les deux nager, mais ils n’avaient pas envisagé qu’ils venaient de dîner et copieusement en plus.

Johan coula à pic.

Clotilde, perdue et effrayée put tant bien que mal regagner la rive, ils n’étaient pas très éloignés de la plage. Ils y étaient presqu’arrivés. Elle ne fit rien pour sauver Johan qui l’appelait, la suppliait de venir l’aider… Trop peur des représailles, elle le laissa se noyer. Elle pleurait en me racontant cela et surtout insistait sur le fait qu’elle ne savait pas quoi faire, la barque était retournée et …

Je la pris dans mes bras, essayant de la calmer et lui affirmant que tout cela n’était pas de sa faute, qu’elle avait eu peur... Enfin toutes les phrases que l’on dit dans ces moment-là.

Nous rentrâmes dans notre location, sans un mot, perdus tous les deux dans nos pensées.

Dans la nuit, j’entendis vaguement du bruit dans la cour. Je pensai que c’était un animal et je me rendormis.

On frappa fort à la porte vers six heures du matin, il faisait à peine jour. J’ouvris en me grattant la tête et je vis deux gaillards de mon âge à peu près tenant ma Clotilde, ruisselante.

Cette femme est la vôtre ? On l’a trouvée morte cette nuit sur la plage des Dames. La mer l’a sûrement ramenée avec la marée. Elle avait ça pourtant près d’elle… une bouée… On ne comprend pas pourquoi elle l’a emportée et surtout pourquoi elle ne l’a pas mise…

Je ne savais plus quoi faire ni dire. Tout se déroulait si vite !

Quand je vis sur la table de chevet une enveloppe à mon nom.

Je l’ouvris en tremblant.

Jeannot, tu n’aurais jamais dû insister pour que je te raconte mon cauchemar. C’était Johan qui m’appelait et tu sais ce qu’il me disait ? N’oublie pas la bouée cette fois, que l’on ne fasse pas naufrage deux fois …

Je ne suis jamais revenu dans l’île. Ses parents l’ont enterrée au cimetière du village et moi je suis rentré chez moi, seul….

FIN

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Publié le par marie chevalier
Publié dans : #mes nouvelles

 

J’ai le plaisir de  vous annoncer qu’Edilivre (mon éditeur de  « qu’en penses-tu »  a  publié  une de mes  nouvelles :

 

Histoire incroyable

Je vous en donne  le résumé, succinct  bien sûr !

Des années ont passé et un amour de jeunesse, Johan, resurgit dans la vie de Laura. Troublée, elle accepte de le revoir... Mais bien sûr, depuis tout ce temps, Johan n'est plus tout à fait ce qu'il était.... Troublante mais aussi terrible histoire…

 

Si vous voulez des détails  voici l’adresse :

 

  http://www.edilivre.com/customerproducts/list

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Publié le par marie chevalier
Publié dans : #mes nouvelles

 

                                                         ELLE N’EST PLUS LA

 

Trois heures du matin : Jacques se réveille comme depuis des semaines : complètement en sueur et oppressé. Ses draps sont humides et  il tremble. Il est si mal : Combien de temps va-t-il encore durer ? Combien de temps tiendra-t-il le coup ?

Cela fait maintenant six mois que sa compagne l’a quitté et pourtant il sent encore son parfum dans  toutes les pièces de  la maison. Il sent la pression de ses doigts quand elle  lui prenait la main dans la  nuit pour se rassurer.

Il entend encore son souffle quand  elle se retenait de ne  pas gémir de douleur.

Il entend  sa voix quand  elle lui murmurait qu’elle allait le laisser seul et que ça la rendait encore plus triste.

Il se lève, abruti de fatigue et de manque de sommeil.  Vite  de l’air et surtout allumer la télévision pour rompre ce silence et se sentir vivant.  Il ouvre la  porte-fenêtre qui donne sur un jardin maintenant à l’abandon. Pour qui ? Pourquoi  l’entretiendrait-il maintenant qu’elle n’est plus là ?

 Il a allumé  la lumière sur sa terrasse et regarde  sans voir les trois pots de fleurs  fanées qu’elle avait plantées avant  qu’elle….

Une envie folle de  la rejoindre le  prend aux tripes.  Il avance dans l’air glacé de la nuit, nu et en chaussons.

Un chien aboie au loin.

Des frôlements légers dans les arbres : sans aucun doute la lumière dérange les oiseaux qui y nichent.

Il s’en fout, plus rien ne l’importe : elle n’est plus là…

Tremblant de froid maintenant,  il enfile  un slip et un tee-shirt et se fait chauffer un café. 

Il est quatre heures trente du matin. Sa nuit est finie, le jour va bientôt se lever.

Il va enfouir son chagrin, ses angoisses, sa douleur et son manque d’elle jusqu’à …Ce soir……

 

 

 

 

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Publié le par marie chevalier
Publié dans : #mes nouvelles

ces histoires de vétements concernant  le défi62 m'a fait penser  à une nouvelle écrite  il y a quelques mois!

 

 

 

 

                                        LA JUPE

 

 Le ciel était plombé.

 

— La neige va sûrement tomber cette nuit dit une voisine, qui passait devant notre fenêtre pour aller promener son chien. Elle l’avait récupéré sur un autoroute, un dimanche, perdu et sûrement voué à la mort si elle ne l’avait pris chez elle et gardé. Depuis, il lui vouait un amour sans borne et bien malin celui ou celle qui aurait osé s’approcher de sa maîtresse. Comme elle s’était arrêtée sur notre pelouse, nous avons ouvert la fenêtre et il se mit à nous aboyer dessus tellement hargneusement que cela en était très désagréable.
 

— Tais-toi lui dit-elle, on ne s’entend plus ! Je disais donc qu’il allait sans aucun doute neiger cette nuit, «ils» l’ont dit à la radio.
 

Je ne sais pas si vous avez remarqué le nombre de fois que l’on dit « ils»  en parlant des « gens de la télé ou de la radio » ? On ne les connaît pas , mais « ils » nous accompagnent partout : «ils» ont dit que la grippe arrivait chez nous, «ils» ont dit que le SMIC n’augmenterait que de 0,4 pour cent, «ils» ont dit que Michael Jackson était mort, «ils» disent que ça viendrait de son médecin, «ils» ont raconté qu’une fillette avait disparu dans les Yvelines, «ils» sont sûrs maintenant que le maire de F. est coupable de détournement de fonds etc.… etc.…

 

— Alors ! Dit Christophe mon mari, qui avait horreur de cette voisine, alors, s’ « ils » l’ont dit !

— Il se moque mais il verra bien demain matin, quand il ne pourra pas sortir sa voiture pour aller travailler.

Sur ce, un peu vexée quand même elle ajouta : je vais me mettre au chaud et je penserai à vous, le sceptique !

 

Une autre remarque, que je me faisais depuis que j’habitais ce village, les gens du cru nous appelaient rarement par notre nom ou même prénom. On entendait plus souvent : Alors il va bien ? Il n’a pas trop froid ? Elle est allée faire ses courses hier, je l’ai aperçue devant l’étal de la boucherie..etc..

 

Cette troisième personne, au début me gênait un peu, pensant qu’ils ne se rappelaient pas notre nom et nous traitaient comme des étrangers, mais pas du tout, ils faisaient cela à tout le monde. C’était leur façon de converser.

Je refermai la fenêtre en souhaitant un bon après-midi à ma voisine et grelottai tout à coup.

— C’est vrai que le froid est pénétrant, il va neiger, elle n’a pas tort !

Sur ce, Christophe sortit et me cria qu’il allait voir un ami qui habitait trois maisons plus haut.
 

Restée seule, je me demandais ce que j’allais faire de cet après-midi pas prévue. En effet je travaillais dans une  moyenne entreprise de la préfecture, (nous étions environ 300 employés) et il y avait eu un mot d’ordre de grève. Bien sûr, je l’avais suivi. Je ne ratais jamais une grève, par conviction, et non par syndicalisme forcené, il y avait longtemps que j’avais perdu mes illusions sur les gens qui dirigeaient soi-disant les syndicats du peuple ! Dès qu’il y avait des rumeurs de grève, ils venaient nous dire : surtout ne suivez pas cette grève, il y a assez de problèmes dans la boîte, n’en rajoutez pas !

 

Donc c’était en fait un peu contre eux, qu’une poignée de collègues et moi avions décidé de cesser le travail à l’appel d’un nouveau syndicat, formé justement par des gens qui croyaient encore à l’action collective et pas du tout « à la carte personnelle »

 

J’étais chez moi, en ce jour non payé et, bien au chaud près de ma cheminée. En effet, mon mari travaillant avec moi dans la même entreprise avait aussi débrayé, et nous avait allumé un bon feu vers midi. Toute la maison en était réchauffée.
Tellement peu habituée à avoir comme ça en milieu de semaine, du temps à moi, je me sentais un peu perdue et me rendais compte que je ne savais pas par quoi commencer ! Un comble quand même ; comme on peut être des moutons bien disciplinés quand on travaille à l’extérieur !

 

La télé ? bof ! pas trop envie, nous n’avions que 5 chaînes et surtout l’après-midi, les programmes n’étaient pas très intéressants. Ecouter des disques ? oui bien sûr, mais je n’avais pas eu le temps de faire réparer ma chaîne et il ne me restait que des vieilles cassettes que je connaissais par cœur. Et puis comme j’avais enregistré ces cassettes il y a des années, elles n’étaient plus tellement audibles et certaines d’ailleurs auraient pu être mises à la décharge. Mais souvent il s’agissait de souvenirs et je ne me décidais pas à m’en séparer.

J’en étais là de mes réflexions quand il me vint une idée. Si je faisais le tri dans mon armoire et ma penderie, et que je vois de près ce que je pouvais donner à Emmaüs ? En effet, des vêtements, j’en avais plus qu’il ne m’en fallait et bien des jupes, pulls ou pantalons commençaient sérieusement à dater et même à être complètement démodés. Mais celui qui a froid ne regarde pas de si près la mode, et en cette saison, ce serait vraiment aider les plus démunis.
 

Je monte donc à l’étage et ouvre cette immense penderie que toutes mes amies m’envient. Elle fait trois mètres de long et est très profonde. Mes vêtements sont très à l’aise et sans rire, je crois que j’aime venir simplement regarder toutes ces fringues. Je dois aussi avouer que beaucoup ne me vont plus. J’ai pris quelques kilos et je ne me résigne pas à me dire : plus jamais tu ne rentreras dedans. C’est au-dessus de mes forces. Alors comme souvent, je me fais violence et pendant quelques jours je fais un petit régime. Oh ! léger, je n’ai que peu de poids à perdre mais si je veux, cet été me promener dans mes shorts et mes débardeurs…

Pour l’instant, je regarde et touche, tâte, palpe.

Et puis je me décide :

Je prends une jupe longue grise avec des boutons devant que j’adore. Je l’enlève de son cintre et je la regarde. Tout à coup j’entends des pleurs, oh pas très forts, comme ceux d’un enfant qui geint pendant son sommeil. Je dresse l’oreille, inquiète. Il n’y a que moi dans la maison. Ou alors, une amie est venue me rendre visite avec un bébé ?

J’écoute et ces plaintes continuent. Je pose ma jupe sur le canapé et je crie : il y a quelqu’un ?

Pas de réponse.

J’attends quelques secondes et reprends la jupe. Je me dis que cela n’était qu’un bruit dehors sans doute. Je réfléchis à ce que j’allais faire de cette pauvre jupe usagée et élimée à force d’être lavée.
 

Les plaintes, un peu plus fortes cette fois reprennent. Je n’ai pas la berlue ! C’est ici dans la pièce où je suis ! Un jouet de la chatte peut-être coincé sous un meuble ? Oui car nous avons une chatte très joueuse qui a des jouets qui couinent. Mais alors dans ce cas pourquoi reste-t-elle vautrée dans son fauteuil et me regarde-t-elle avec tant d’insistance ?

Elle aussi a entendu ce bruit et elle ne descend pas. Elle a l’air un peu effrayée d’ailleurs. Moi ? je commence à ne plus trop me sentir à l’aise d’autant que ces pleurs continuent.
 

Soudain une petite voix s’élève dans la pièce ! Je panique, prête à redescendre immédiatement, mais on me parle, du moins me chuchote :

— Tu te souviens quand tu es venue me chercher ? Tu m’avais repérée, mais pressée par ton travail, tu m’avais murmuré : toi tu me plais, je viendrai te chercher demain.

— Mais qui me parle ?

— Moi, je voudrais finir mes jours tranquille, chez toi, je ne veux pas aller dans la foule avec toutes les autres inconnues, tu peux me comprendre ?

— Mais où es-tu ? Que me veux-tu ? Si c’est une farce, elle n’est pas drôle. Christophe ! Hurlai-je, pensant que mon mari n’était pas étranger à cette voix. Il aimait bien jouer avec des trucs que l’on appelle « jeux qui parlent comme des humains ». Ne me demandez pas le nom exact, je n’en sais fichtrement rien !

Il m’aurait quand même répondu ou du moins se serait esclaffé, fier de sa prestation or, rien. Que cette petite voix à peine audible qui continue :

 

— Je fus tellement heureuse que tu me choisisses que j’ai tout fait pour rester belle, même quand tu me malmenais en me laissant traîner n’importe où. Je connais tous tes amis, toutes tes copines ! Mon Dieu ce que vous avez pu dire sur moi ! Au début, c’était sympa : elle est drôlement belle, où l’as-tu trouvée ? Il y en avait d’autres ?

Et puis tout doucement, les mêmes copines commencèrent à me critiquer : tu la gardes encore celle-là ? Ce qu’elle peut être devenue moche ! Elle était si belle au début ! Tu devrais t’en séparer, franchement en plus il faut bien reconnaître qu’elle n’a plus de forme, elle tombe lamentablement sur tes hanches qui n’ont pas besoin de ça pour se faire remarquer.
 

Je voudrais au passage te signaler que dès que tu avais le dos tourné c’était pire : elle est vraiment idiote de garder cette guenille, déjà qu’elle s’est empatée, elle boudine que cela en serait  triste si ce n’était pas drôle.

 

— Voilà, toi ma maîtresse, toi mon amie, celle qui m’a toujours respectée, voilà ce que tes amies disent de toi …et de moi. Alors que tu prennes la décision de te débarrasser de moi, je peux comprendre, mais pourquoi me lacérer pour faire des serpillières ? Pourquoi ne pas me mettre simplement dans un sac plastique au grenier. Le  grenier ne sert-il donc pas à ranger tout ce que l’on ne veut plus non ?

 

J’avais tout compris : c’était ma jupe qui me parlait.
En effet, j’étais vraiment ingrate, elle m’avait rendu tellement de services, m’avait accompagnée partout pendant si longtemps ! Grâce à elle, j’avais quand même eu de sacrés compliments au début que je la portais, puis, il est vrai que j’ai continué à la mettre par habitude, parce que je me sentais bien dedans tout simplement.

 

Je ne pouvais pas lui faire ça en effet, elle avait raison. Je raccrochai le cintre dans ma penderie, la flattai de la main et lui murmurai : tu restes avec moi, je crois que je suis autant attachée à toi que toi à moi.

je sentis comme un frôlement sur mon visage quand je refermai la porte de ce placard. Je ne rangerai rien aujourd’hui, j’avais le cœur trop serré par le chagrin de ma jupe.

Je la caressai encore une fois et lui fis un baiser dans le bas de l’ourlet.

 

Mon mari qui était dans la pièce depuis un moment, me regardait stupéfait !

 

— Tu embrasses tes fringues maintenant ?

— Pas mes fringues, s’il te plait, mes amies, celles qui m’accompagnent toujours, où que j’aille.
— Bien sûr, suis-je sot, me dit-il en éclatant de rire

 

Je ne saurai jamais s’il se moquait ou avait peur pour ma santé mentale, en tous cas, je n’ai plus jamais touché un vêtement sans m’excuser de le déranger.

 


 

 

 

 

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Publié le par marie chevalier
Publié dans : #mes nouvelles

petit texte dédié  à toutes  les  Mamans:

 

 

 

BONNE FETE MAMAN

 

Dimanche c’est  la fête des  mères.  Tous les ans, c’est comme ça. Il n’y a  pas à revenir là-dessus, une fois  par an, on fête les  Mamans.

Partout, dans les  magasins, dans  les boutiques de  vêtements, dans  les chocolateries, même chez  les  marchands de  vaisselle, on fête  à grand renfort de  promos et de  pubs, les  Maman.

Ces dames, ce jour-là ont droit, qui au mieux,  à un petit dessin fait collectivement à l’école, il ne faut  pas  que nos valeurs se perdent n’est-ce  pas.  Elle est ravie : son petit  bout de chou a fait ce  petit présent de ses  mains, et  franchement, c’est sûrement celui qui aura  le plus de  valeur à ses  yeux.

A la  maison, c’est différent  le  papa donne  un billet  au fiston et  lui dit  doucement dans  l’oreille  pour que  Maman n’entende  pas : tiens c’est pour acheter  un truc  à ta  mère, je te fais confiance, tu te débrouilles très bien, prends-lui quelque chose  qui va  lui plaire  d’accord ?  

Et  puis  papa ne veut  pas  être de reste  et  magnanime il va  s’en mêler.  Là encore, deux solutions :

                        Il donne  deux billets  à Maman et  lui chuchote gentiment : tiens  ma chérie, achète-toi ce qui te fait  plaisir. En fait c’est ce qu’elle  préfère, ainsi elle  peut  au moins s’acheter quelque  chose dont elle a  vraiment envie.
 

                        L’autre solution : Papa achète  une friteuse électrique, ou une cafetière, ou pire  une cocotte-minute, fait  faire un paquet –cadeau et tout  fier  le jour J. va  le chercher dans  le garage, enfoui sous  les  tonnes de cochonneries entassées, il remonte et embrasse  Maman : tiens  ma chérie, je suis sûr que tu en rêvais, non ne  me remercie  pas  je sais que tu voulais changer  « la tienne »  depuis  longtemps. Car  il va de soi, bien entendu que  la  cocotte -minute  ou la  cafetière  sont  la  propriété exclusive de  Maman, il est vrai qu’il n’y a  qu’elle  qui s’en sert !

Pendant ces petites cachoteries  Maman, qui s’est  levée tôt le  matin sachant que ses  bambins et son mari,  la fêteront, s’est fait un joli brushing, a  mis sa  plus  jolie robe qui date de plusieurs années, mais dans laquelle elle se sent bien et  toute  enjouée, elle commence  à préparer  le repas familial.

Ben oui hein ! II ne faut quand  même  pas trop en demander, c’est  la fête des  Mamans d’accord, mais  le repas ne va  pas se faire tout seul et il faut bien qu’elle  récompense et  fasse  plaisir  à sa petite famille qui va sûrement  la gâter comme  les autres années.

Alors le visage enflammé  non pas par  la  joie, mais  par ce sacré four  qui fume depuis  deux ans qu’ils doivent  le changer,  son gigot d’agneau qui  commence  à brûler et sa  mousse au chocolat qui ne veut  pas gonfler  car  le chocolat devait avoir  atteint la date limite.
 

En tous cas  elle savoure déjà le  plaisir de ses enfants quand elle  leur présentera  les diverses petites crudités  faites avec amour taillées, ciselées, et réduites en petites figures  amusantes.

 Et  puis, une fois  n’est  pas coutume, elle accompagnera  les crevettes d’une  mayonnaise comme elle sait si bien faire  et  que toutes ses copines  envient.

Las, cette saloperie de  mayo ne veut  pas  monter, elle s’énerve, change de  main, prend  une autre fourchette, puis décide  de se servir du batteur. Toutes disent que c’est  mieux, alors !

Rien la  mayonnaise reste  à l’état de  sauce  liquide. Elle en pleurerait !

Elle  ne désespère  pas, elle tente d’en faire une autre : pareil ! La  poisse. Elle a  les  nerfs  là !

La  porte d’entrée  claque. Des  pas dans  le couloir : Maman, ça sent  le brûlé  jusque dans  le  jardin !!

— Merde c’est  mon gigot !

 

— Alors chérie, on s’énerve ?  Le jour de ta fête ?

Elle préfère ne  pas répondre. Son petit dernier  la regarde avec tellement d’amour dans  les  yeux tenant son petit flacon rempli d’haricots  secs de toutes  les couleurs et  prêt  à pleurer.

Elle se baisse vers  lui :

— Bonne fête  Maman !

— Merci mon trésor comme tu es gentil. 

L’ado, resté derrière, le casque du baladeur sur les oreilles se  balance et comme son père  lui fait un signe, il fouille dans sa  poche, sort  le billet  que son père  lui avait donné :

 — Bonne fête  M’man !

Papa s’énerve, il n’avait  pas  prévu ça, car comme  lui aussi avait été  pris  par le temps (il est vrai que  la fête  des  Mamans leur  tombe dessus aux  maris  et  ils  ne s’y attendent pas)

Donc Papa très gêné  sort  lui aussi un chèque de sa  poche :

— Tiens  ma chérie, achète-toi ce que tu voudras, désolé  mais  je n’ai vraiment  pas eu le temps de  m’en occuper.

Maman reste  droite, remercie sans  embrasser, s’excuse, monte dans  sa  chambre, pleure un bon coup,  change sa robe pour un vieux jean et  pull  et redescend.

Ils  l’accueillent  dans  la cuisine :

— Bonne fête  maman, qu’est-ce que tu es belle !  Dit  le  petit.

— Ouai ! T’es  top m’man !

— Oui ma  chérie tu es  la  plus belle. On déjeune  quand au fait ?  J’ai le temps de  passer  un coup de fil à Gérard ?

Maman sourit. Maman sourit toujours même  quand  elle en a  gros  sur  le cœur 

Venez, on passe  à table. Tu téléphoneras  plus tard d’accord ? 

  Fin

 

 

 

 

 

 

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