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Le blog de Marie Chevalier

Le blog de Marie Chevalier

un blog pour mes écrits et pour y recevoir mes amis

Publié le par marie chevalier
Publié dans : #mes nouvelles

L A G A L E R E D E S T A X I S P A R I S I E N S

- Bonsoir Julie, tu restes encore un peu ? Tu fermeras ?

- Oui, oui, allez-y tranquilles les filles il faut que j’appelle un taxi…

- Ah ! Oui, c’est vrai ta fameuse « claustro » !

- C’est cela oui, ma claustro comme vous dites, c’est d’une gentillesse ! Allez à demain.

Julie alla fermer la porte de l’agence immobilière ou elle travaillait, revint à son bureau et commença à composer le numéro des « taxis verts » .

La sonnerie ne dura même pas une vingtaine de secondes et une voix suave commença : « Bonjour, nous vous remercions d’avoir fait appel à notre compagnie, nous vous demandons de bien vouloir patienter, une opératrice va vous répondre.. »

Bien, cela ne commence pas si mal se dit Julie, coup de bol, je les ai eus tout de suite. Elle cala le combiné sur son épaule gauche fouilla dans son sac. Elle ouvrit son porte-monnaie, et compta. Bon, elle avait environ cinquante francs et un billet de deux cents francs.

Tout allait bien, elle regarda sa montre, deux minutes qu’elle attendait l’opératrice. Ce n’est rien, hier j’ai patienté quatre minutes, alors il n’y a rien de perdu, se rassurait-elle.

- Allô ! Vous avez demandé un taxi, pour quelle destination s’il vous plaît ?

- Bonjour, madame, Boulevard Barbès, s’il vous plaît..

- Votre numéro de téléphone…

- 01 …..

- C’est pour aller où, m’avez-vous dit ?

- Boulevard Barbés..

- A quel numéro ?

- Au coin de la Rue Custine et du boulevard..

- Je vous ai demandé à quel numéro ?

- Mais je n’en sais rien, c’est au carrefour, je l’indiquerai au chauffeur…

- Ne quittez pas..

« Bonjour, nous vous remercions d’avoir fait appel à notre compagnie, ne quittez pas nous recherchons votre voiture...

« Vous avez fait appel aux « taxis verts » nous vous remercions de votre appel, ne quittez pas, nous recherchons votre voiture…

« Savez-vous que vous pouvez savoir tout de suite la disponibilité de votre véhicule en composant le 3615 « taxis verts » sur minitel, cela vous évitera une attente…

« Bonjour, vous êtes bien aux « taxis verts », ne quittez pas, nous recherchons votre véhicule… »

Julie commençait à ne pas se sentir bien, c’était cela les symptômes d’angoisse. Il y avait maintenant dix minutes qu’elle était en ligne et toujours cette voix « off » qui lui ressassait le même disque. Elle ouvrit de nouveau son sac à mains, sortit un mouchoir en papier, s’essuya les mains qui devenaient moites, leva un bras, puis l’autre pour s’aérer.

Elle reprit bien en mains le combiné, respira un bon coup et de nouveau se concentra sur le message !

« Bonjour, nous vous remercions de votre appel et nous recherchons votre voiture…Savez-vous que vous pouvez effectuer une réservation de 22 heures jusqu’à 7 heures ? Il suffit d’appeler au service de réservation au numéro : 01…..

« Vous restez en ligne nous recherchons votre voiture… »

Bien sûr que je reste en ligne, bien sûr, qu’est-ce que je peux faire d’autre ? Julie commençait sérieusement à s’agiter et à perdre le contrôle de ses nerfs, cela faisait vingt minutes qu’elle était « scotchée » à cette saloperie de téléphone et personne n’était encore venu lui parler.

Enervée, elle raccrocha et se dit qu’elle ne pouvait pas attendre jusqu’à demain, elle allait essayer d’obtenir une autre compagnie. Elle ramassa son sac, elle commençait à trembler légèrement tellement elle se stressait, l’heure tournait et bientôt elle se retrouverait dans les embouteillages de dix- huit heures et pour aller de République à Barbès, elle mettrait encore trois quarts d’heure !

- Bonjour, je suis bien à la SAT (société des artisans taxis) ?

- Je voudrais un taxi pour aller à Barbès…

- Bien sûr, Madame quel est votre numéro de téléphone.

- 01…

- Ne quittez pas, nous recherchons votre voiture…

- Merci..

Ouf ! Cette fois, je crois que ça y est, se dit Julie. Elle se détendit, se repeigna d’une main, et chercha du regard un papier et un crayon pour noter l’heure, une vieille habitude !

Il était 17 heures cinquante cinq. Putain, cela fait presque une demi-heure que je m’énerve, c’est vraiment de pire en pire, ces taxis…

- Allô, vous êtes bien le numéro :01….

- Oui, madame…

- Une voiture dans dix quinze…

- D’accord, merci !!!

Une bouffée d’air frais lui tombait dessus, elle sourit toute seule et se dit qu’il était dommage de s’énerver pour si peu. Elle s’agita, récupéra sa veste en jean, rangea les accessoires de son bureau, chercha les clés de l’établissement et après un bref regard circulaire, elle sortit de l’agence, se pencha pour verrouiller la porte, remit les clefs dans son sac et s’installa, bien visible au bord du trottoir pour guetter son « sauveur » ! Il était dix- huit heures cinq. Rien de perdu, on lui avait dit dix quinze minutes. Jusqu’à dix- huit heures dix, il n’y avait pas de panique.

A chaque fois qu’elle voyait arriver au loin un taxi allumé, elle se rapprochait encore plus du bord du trottoir. Mais fausse alerte, ils passaient tous sans s’arrêter. Elle recommençait à ne pas être à l’aise. Dix- huit heures vingt, toujours pas de taxi à l’horizon. Elle regardait sans cesse sa montre et s’appuyait au poteau du feu rouge. C’était bien d’ailleurs, elle se calait juste au feu rouge comme cela, le chauffeur n’avait pas de manœuvre à faire. Il continuait tout droit et si tout allait bien vingt minutes après elle était rentrée. Elle se marmonnait tout cela pour éviter de penser que le temps passait et qu’il était maintenant dix- huit heures vingt cinq.

Tout à coup, au bord des larmes, elle fit demi-tour, prit la clé de l’agence dans son sac, entra de nouveau, composa le numéro de la société de taxis.

- Allô ! Madame, j’ai demandé un taxi il y a une demi-heure, je suis en train de l’attendre devant mon établissement et il ne vient pas, pouvez-vous vérifier… ?

- Vérifier quoi, madame ?

- Mais qu’il est sur le chemin, qu’il va venir, je ne sais pas moi ! Merde ! Cria-t-elle excédée.

- Restez correcte, Madame, je vais voir, vous ne quittez pas..

-Non je ne quitte pas ! Aboya-t-elle.

-Cinq minutes passèrent de nouveau, elle n’en pouvait plus elle craquait, elle allait pleurer, s’effondrer, là sur son bureau, et demain, ils la retrouveraient endormie, lasse, si lasse… et invariablement, la voix lui disait : « ne quittez pas, nous recherchons votre voiture… »

Puis, il y eut un déclic, l’horreur, une effroyable sonnerie « occupé » lui résonna dans l’oreille. Non, ce n’était pas vrai, cela ne pouvait pas être vrai, ce n’était pas possible !

Les jambes tremblantes, elle se leva, se retenant au bureau, elle allait faire quoi maintenant ?

Elle refit le numéro des « taxis verts » .

« Bonjour, merci d’avoir choisi notre société, ne quittez pas une opératrice va vous répondre…

Elle raccrocha violemment.

Elle fit de nouveau le numéro de la SAT.

Elle avait les larmes qui lui coulaient sur le visage, elle transpirait, était toute rouge, se sentait très mal.

- Allô ! Bonjour, tout à l’heure, nous avons été coupés, j’avais demandé un taxi pour…

- Ne quittez pas, vous êtes bien au numéro : 01…..

- Oui, murmura –t-elle, n’osant croire au miracle.

- Le chauffeur vous a attendue tout à l’heure, madame, ce n’est pas gentil de faire faux bond, dans ce cas, il faut avoir le courage d’annuler la course, ce n’est pas bien.

- Mais je n’ai pas vu de chauffeur, je vous assure, j’étais devant la porte et personne n’est venu, je l’aurais vu, croassa Julie, s’étranglant de colè
re.

- Vous êtes bien au 22 Boulevard du Temple ?

- Mais non, je suis au 22 Rue du FAUBOURG DU TEMPLE !

- Ah ! C’est pour cela, il y a eu une erreur, vous auriez dû préciser, Madame, on ne peut pas deviner, vous voulez toujours une voiture ?

- Mais bien sûr, plus que jamais, il est dix- huit heures quarante cinq, vous vous rendez compte que cela fait une heure que j’essaie d’avoir un taxi…

- Ne quittez pas…

« Bonjour, merci d’avoir choisi notre compagnie, ne quittez pas, nous recherchons votre voiture… »

En nage, Julie essayait de reprendre son sang-froid : je ne m’énerve pas, je me calme, ce n’est rien, il y a des choses plus importantes dans la vie…

- Allô ! Vous êtes bien au numéro : 01… ?

- Oui…

- Désolée, madame pas de voiture pour l’instant, rappelez ultérieurement…

Tut... tut…tut…tut…

- Allô ! Chéri, tu es rentré ? Cela t’ennuierait de venir me chercher en voiture, on pourrait passer au Bazar de l’Hôtel de Ville, qu’en penses-tu ?

- D’accord, je vais me débrouiller, à tout à l’heure.

***

Ce vendredi après-midi, Julie ne travaillait pas.


Il faisait très beau et elle décida de passer tout d’abord par le marché Saint-Pierre car il y avait longtemps qu’elle souhaitait changer ses voilages.

En quittant son bureau, elle alla manger un sandwich chez Farsaz, le petit café d’à côté

Au bout d’une demi-heure, elle sortit et héla un taxi qui arrivait, et qui ralentissait. Il stoppa à sa hauteur et là, oh ! Malheur, elle se fit littéralement insulter par un chauffeur irascible qui ne supportait pas les gens qui fumaient ! Il s’était mis dans une telle colère quand il l’avait aperçue une cigarette à la main ! Bien entendu, elle l’aurait éteinte dès qu’elle aurait ouvert la portière, mais il ne lui a pas laissé le temps. Il s’est mis à hurler en sortant de sa voiture comme un fou, que personne ne mettrait les pieds dans SA BAGNOLE avec une cigarette, qu’il était hors de question qu’il transporte des gens qui ne respectaient rien, même pas les taxis, et que les femmes qui fumaient feraient mieux d’aller « torcher leurs mômes» ! Pourquoi pas ? Mais il n’y eut aucune discussion possible, il démarra en trombe et la laissa sur le trottoir, comme une idiote et bien embêtée car obligée d’appeler une autre voiture !

Elle ne se démoralisa pas et comme le temps s’y prêtait, elle décida de descendre jusqu’à République en chercher une directement à une station. Mal lui en prit !

Il y avait une dizaine de voitures en stationnement ce qui la rassura pleinement quand elle se présenta au premier chauffeur en tête, comme le veut l’usage.

- Ou allez-vous exactement ?

- Au Marché Saint-Pierre…

- Mais vous ne pouvez pas y aller à pieds ?

- Non, si je prends un taxi c’est que j’ai mes raisons, commença t-elle à expliquer.

- Mais je m’en fous de vos raisons, tout compte fait, je ne veux pas vous emmener, la course est trop courte, je n’ai pas attendu le client pendant plus d’une demi-heure, pour me retrouver au Sacré-Cœur. En plus à cette heure-ci, il n’y aura pas un chat et je serais obligé de revenir à vide.

- Mais attendez, ce n’est pas en grande banlieue que je vous emmène, c’est dans Paris, donc des clients vous en trouverez toujours, non ?

- Cela c’est moi que ça regarde, vous n’avez qu’à aller demander à mon collègue, le dernier là-bas s’il veut bien vous prendre…

- Mais il va me dire qu’il faut que je prenne celui qui est en tête ! S’énerva Julie.

- Et bien voyez ça avec lui !

- Vous vous fichez du monde, je ne vois pas pourquoi vous ne voulez pas m’emmener même si la course n’est pas longue, vous n’avez pas tous les jours des gens à emmener aux aéroports quand même !

- Bon, je me tire, vous commencez vraiment à m’énerver.

Sur ce, il fit un démarrage sur les chapeaux de roue, plantant Julie, hors d’elle mais très ennuyée. Après s’être reprise, elle s’avança et cogna à la vitre du dernier de la file :

- Bonsoir, monsieur, au Marché Saint-Pierre, s’il vous plaît ?

- Mais pourquoi ne prenez-vous pas le premier en tête ? C’est la règle, madame, je suis nouveau dans le métier, je ne veux pas avoir d’ennuis.

- Il a refusé la course, d’ailleurs, il est parti, il trouve que je ne vais pas assez loin…

- Remarquez, il n’a pas tort, vous ne voyez pas que nous sommes garés devant un hôtel et que l’on fait souvent appel à nous pour emmener des clients à l’aéroport ?

-Mais je ne veux pas le savoir, vous êtes à une borne de taxi, je m’adresse au premier comme le veut la coutume, il m’envoie vers vous et là, vous me dites que vous ne prenez que les clients de l’hôtel, mais je vais finir par m’énerver et je relève votre numéro, et je vais appeler la police ! S’énerve Julie.

- Appelez, madame, si cela peut vous faire du bien, mais le temps qu’ils arrivent pensez bien que je ne serai plus là et personne ne me « tirera dans les pattes » on est solidaires, nous !

- Ca j’avais remarqué dans la connerie, vous vous tenez les coudes !

Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase, le taxi fit une marche arrière brutale, démarra et le chauffeur lui fit un bras d’honneur en passant.

Mon Dieu quelle galère ! J’en ai marre, je n’en peux plus ! Elle était au bord de la crise de nerfs, quand un nouveau taxi arriva.

-Que se passe t-il ? Un problème ?

- Ce sont vos collègues, ils me renvoient au premier puis au dernier et finalement, aucun ne veut m’emmener.

- Et ou allez-vous ?

- Au marché Saint-Pierre…Annonça-t-elle timidement.

- Allez en voiture, moi j’adore les petites courses, je suis sûr d’en faire plus, et de trouver des clients surtout dans Paris, il y a plein de « mémés » qui reviennent des magasins à cette heure-ci, c’est bon pour moi ! Et puis plutôt que de rester une demi-heure à attendre un client hypothétique, je préfère rouler !

Julie se confondit en remerciements, disproportionnés avec ce qui venait d’arriver, car enfin, il était tout à fait normal, qu’un chauffeur de taxi l’emmenât là où elle le souhaitait puisqu’elle réglait la course ! Mais ce fut ce dernier chauffeur qui la réconcilia provisoirement avec la corporation, et elle écouta, béate, les histoires qu’il lui racontait.

***

Monsieur Farsaz, le patron du bar connaissait bien Julie, elle déjeunait presque tous les jours chez lui et ils discutaient souvent de tout et de rien. Le soir, elle s’installait fréquemment pour boire un pot en attendant son mari qui faisait son possible pour passer la prendre afin qu’elle ne « s’use pas les nerfs » dans sa chasse aux taxis.

- Madame Julie, votre mari vient de prévenir, il ne peut pas venir vous chercher, votre voiture est en panne.

- Quoi ? Croassa t elle, ce n’est pas possible ! Mais comment je vais rentrer chez moi !!!

- Mais vous n’habitez pas loin, Madame Julie, à pieds, vous en avez pour une demi-heure trois quarts d’heure !

Ce que ne pouvait comprendre Farsaz, c’est que Julie ne pouvait même pas essayer de partir à pieds et de marcher sur les trottoirs bondés à cette-heure ci. La claustrophobie est une chose, mais les angoisses qu’elle génère sont handicapantes à souhait. Ses jambes tremblaient, elle était en sueur Elle craignait à chaque instant de tomber car dans ces cas-là, elle était comme ivre, et sujette aux vertiges.

Ce jour-là, en larmes, elle rentra se « terrer » dans son bureau, et attendit de s’être calmée et vers huit heures du soir, essaya de nouveau de téléphoner à une entreprise de taxi. Elle obtint une voiture facilement vers les 20 heures trente et elle oublia toute cette histoire.

***

Huit jours plus tard, alors qu’elle s’apprêtait à appeler de nouveau la SAT, vers 7 heures trente du matin, elle réfléchit et pensa qu’elle ne se sentait pas trop mal aujourd’hui et qu’elle pourrait en prenant sur elle, traverser tout le boulevard et aller en chercher un à la station de taxis la plus proche, à environ dix minutes à pied.

Ce serait plus raisonnable, pensait-elle car quand elle appelait, elle payait déjà une mini- course du lieu ou se trouvait la voiture à son domicile, ce qui en augmentait considérablement le prix.

Elle arriva à la station, et elle constata qu’il n’y avait pas de voitures en stationnement. C’est normal, à cette heure-ci, ils circulent, ils ont beaucoup de courses, se rassura t-elle.

Elle attendait depuis cinq minutes environ, elle en voyait passer sur le boulevard, mais ils étaient tous pris. Une dame arriva avec un bébé :

- Il y a longtemps que vous attendez ?

- Non, cinq minutes à peine.

- Ah ! Bon, parce que je suis pressée, j’ai rendez-vous chez le pédiatre, pour le petit, il a de la fièvre, et son médecin ne peut pas se déplacer, je suis donc obligée de lui amener à son cabinet…

« Alors là, ma grande, si tu crois que tu vas m’émouvoir avec ton gamin, tu te trompes, tu fais comme moi, tu prends la file d’attente.. » Pensa-t-elle très fort.

- Remarquez, dit la jeune femme, avec un bébé dans les bras, je suis prioritaire, heureusement et je vous remercie d’avance de me laisser la première voiture..

- Mais pas du tout, nous ne sommes pas dans les transports en commun, il ne suffit pas de présenter une carte de quoi que ce soit, ce serait trop facile !

- Mais c’est dans les règles qui régissent les taxis, et de toute façon, si vous ne pouvez pas comprendre qu’il y a des priorités, je vous plains, vous devez être bien seule dans la vie !

- Mais si, je sais qu’il y a des priorités, moi, je suis prioritaire, j’étais la première et si vous n’êtes pas contente, vous rentrez chez vous et vous appelez une voiture, non mais !

Elles se regardaient méchamment, presque haineuses, et toutes pâles toutes les deux, elles étaient dans une fureur !

Tout à coup, un taxi ralentit sur le boulevard, le chauffeur leur fait signe d’avancer, et là, oh ! Horreur, un homme jeune déboule de derrière une colonne, ouvre la portière, et le taxi démarre… Elles hurlent toutes les deux, insultent de loin le chauffeur qui ne les entend plus, se regardent, et éclatent de rire nerveusement : Elles se sont bien fait rouler !

- Bon, si on se conduisait en adulte, dit Julie, où allez-vous exactement ?

- Je vais à l’Hôpital Saint-Louis et vous ?

- Moi, Rue du Faubourg du Temple, on va s’arranger on va prendre le taxi à deux et on partage les frais, d’accord ?

- D’accord.

Cinq minutes passent encore et arrive une voiture. Elles s’avancent calmement vers la portière et le chauffeur se penchant demande : c’est à qui le tour ?

- A nous deux, on le prend ensemble on va dans la même direction…

- Mais il n’en est pas question, je ne fais pas de voiturage, après pour me faire régler c’est la crois et la bannière, vous vous décidez, ou l’une ou l’autre mais pas les deux !

- Mais puisque l’on vous dit que l’on va dans la même direction !

- Mais pas au même endroit et quand l’une sera descendue, l’autre ne voudra plus régler, je connais bien ce procédé mais ça ne marche pas avec moi, mes jolies !

Sur ce, il verrouilla vivement ses portières et démarra en trombe, laissant les deux femmes sidérées sur le trottoir.

La jeune femme au bébé, dit au revoir à Julie en l’informant qu’elle rentrait chez elle. Elle allait effectivement essayer d’obtenir une voiture en téléphonant à une compagnie.

- Bonne chance, lui cria Julie !

De nouveau seule Julie avait envie de tout plaquer là, d’aller se recoucher en se disant que demain serait un jour meilleur !

Elle en était là de ses réflexions quand un taxi conduit par une femme s’arrêta à la station. Timidement, elle ouvrit la portière, s’assit en se glissant sur le siège arrière, attendant à tout moment un cri ou une remarque désagréable. Tout se passait normalement et ce qu’elle entendit lui fit chaud au cœur :

- Bonjour, madame, alors on va où aujourd’hui ?

- Rue du Faubourg du temple…

- Parfait, j’ai ma fille qui habite par-là, je pourrais ainsi aller lui rendre une petite visite. Car croyez-moi, ce n’est pas un quartier ou je vais de bon cœur, plein d’étrangers, et sales en plus, je me demande d’ailleurs comment elle fait pour vivre là. Il faut dire que son copain est nègre alors elle a l’habitude ! J’y vais d’ailleurs aujourd’hui car il n’est pas là, car vous comprenez bien qu’il n’est pas question que je rencontre ce « métèque » Elles ont des idées les filles maintenant ! Elles ne se rendent pas compte qu’ils sont des fainéants, des « maquereaux » et des proxénètes…Bla… Bla… Bla…..

Julie se demandait si elle ne rêvait pas, toutes ces horreurs débitées en deux minutes comme s’il s’agissait d’une conversation ordinaire, de salon ! Mais le monde est fou se dit-elle, et tout à coup, elle hurla :

- Je descends là !

- Mais nous ne sommes pas arrivées !

- Je m’en fous mais je ne resterai pas une seconde de plus à vous écouter tenir des propos racistes et débiter des conneries !

- Ah ! Encore une qui les défend, on aura tout vu ! C’est avec des gens comme vous que la France est devenue ce qu’elle est !

- MERDE !!!!!!!!!!

Julie s’affala sur un banc, son cœur battait à tout rompre, elle se tenait l’estomac, elle avait physiquement mal. Mais ce n’est pas possible, ils sont vraiment tous aussi cons !!!

Elle laissa passer une dizaine de minutes puis elle se leva et commença à héler des taxis au vol, la main levée. Elle n’eut pas à attendre très longtemps, une voiture se mit le long du trottoir, le chauffeur se pencha et lui demanda : où allez-vous ?

- Et vous ? Lui répondit-elle sottement

- Non, c’est vous qui avez besoin d’un taxi, pas moi, remettez-vous, vous êtes toute pâle, vous êtes malade, vous n’allez pas vomir dans ma voiture, car hier, j’ai pris une dame avec un chien, je n’aurais pas dû, en principe je refuse toujours, mais là je me suis laissé attendrir et voilà pas cinq minutes que nous roulions, j’entends un drôle de bruit derrière et je me retourne et qu’est ce que je vois ? Le chien en train de me dégueulasser ma banquette avec une housse toute neuve ! Vous vous rendez compte et la maîtresse, tranquille, attendait que cela se passe…Bla…Bla…Bla..

- Julie, réveille-toi !

- Julie, réveille-toi, il est six heures trente et tu sais que ce matin, les taxis sont en grève….

Il va falloir que tu te débrouilles à pieds ou en stop pour aller au boulot !

- Julie, je plaisante, lève-toi, je vais t’emmener au boulot, mais dépêche-toi !

D’un bond, elle se leva, et dix minutes après elle fut prête. Ils arrivèrent une demi-heure trop tôt à son bureau mais qu’importe, elle était arrivée !

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