Avec le coronavirus, nous sommes contraints à limiter nos déplacements.
J'en connais qui devaient découvrir Milan, d'autres New York et d'autres peut être Vesoul,
Alors je vous propose d'écrire une courte histoire (30 lignes maxi) sur une ville, une région, une montagne, tout simplement un endroit que vous connaissez ou que vous souhaiteriez connaître.
Seule contrainte, vous mentionnerez le nom d'un poète ou d'une poétesse dans votre texte.
Rêverie nocturne
Il est minuit. Je vais me préparer pour la nuit et comme souvent je prends avec moi mon vieux poste de radio. Et là… une voix monocorde nous demande toute notre attention :
Par erreur nous avons déversé une quantité importante de pesticides par hélicoptère et nous vous demandons de ne pas sortir vous promener dans les champs de la Somme et de l’Aisne pendant deux trois jours. Nous vous tiendrons au courant.
Je me laisse tomber sur mon lit, anéantie, je voulais justement rendre visite à ma mère qui habite toujours le petit village où elle nous a élevés mon frère et moi.
Je réfléchis rapidement il n’est que minuit, je vais chercher dans la penderie tout en haut le carton avec les photos et je trouve ce film que je garde précieusement. D’une part parce que c’est mon père qui l’avait fait et d’autre part parce que c’est mon village. Je l’avais gardé pour le faire connaitre à ma fille, je n’en ai pas eu encore l’occasion.
Je m’installe dans le salon et comme elle m’a entendu bouger, Charlotte descend en pyjama et vient se pelotonner contre moi sur le canapé.
— Ma chérie si tu n’as pas sommeil on va regarder le petit village dont je t’ai parlé. Celui où je faisais des bêtises à ton âge. Elle sourit et se tait attentive.
Je lui raconte en même temps :
C’était un petit village de la Somme perdu au milieu des champs de blé, d’avoine et d’orge. Une seule route le traversait et au bout il y avait deux chemins qui menaient vers d’autres petits hameaux. Et là au croisement une énorme pierre, vestige d’une ancienne ferme nous servait de siège et de parloir. Abrités par un très grand platane, nous complotions, inventions des jeux mais souvent aussi j’y venais seule. La mare était proche et les canards, les grenouilles, les têtards, les libellules s’en donnaient à cœur joie. Cela faisait un bruissement continu et je me laissais bercer. J’étais heureuse, j’avais dix ans, ton âge ma Charlotte.
Et puis je me suis tue. Charlotte s’était endormie et moi les yeux dans le vague je me souvenais de ce petit village perdu au milieu des champs de blé, d’orge et d’avoine. .. Ce sont ces champs qui aujourd’hui, subissent les outrages des hommes. J’ai continué à faire défiler ces images en me souvenant de tous les moments magiques de ma tendre enfance. Je m’égare dans mes rêves et je voudrais dire comme Lamartine : «Ô temps suspends ton vol… »