On peut faire quelquefois d’un désagrément un atout.
Raconter, de préférence sur mode léger et sans allusion à l’actualité, votre plus beau souvenir de petit désagrément (maladie d’enfance, voyage annulé, …)
Il fallait en rire
J’étais encore jeune et plein d’allant mais traumatisée par un travail stressant et fatiguant. Il faut dire que je voyais environ 300 à 400 personnes dans la journée qui défilaient. Celui-ci pour déposer une remise-chèques, celui-là pour demander un crédit, l’autre pour avoir de la petite monnaie, l’autre encore pour obtenir une avance sur son salaire. Le plus exigeant était celui qui venait protester contre la différence entre ses comptes et ses relevés bancaires. Il fallait faire face, rester courtois et calme et franchement parfois « on pétait les plombs ».
Un jour justement où je recevais un client modeste qui voulait anticiper sur la fin du mois, je lui expliquai que cela n’était plus possible, il avait déjà largement utilisé tout ce qu’il avait et que l’on ne pouvait aller plus loin. J’ajoutai que j’étais navrée, que je me mettais à sa place, que je comprenais mais que…
Il resta assis dans le fauteuil clientèle en face de moi, bien qu’à plusieurs reprises j’avais confirmé que je ne pouvais rien pour lui. A un moment, très énervée mais cachant cela sous un sourire crispé je lui dis : Vous ne voulez pas partir ? Pas grave, c’est moi qui vais m’en aller »
Il ne me répondit pas. Je pris un gilet, mon sac à mains et dignement sous le regard étonné de mes collègues je sortis. Je fis le tour du pâté de maison, bus un verre d’eau fraiche au petit café d’à côté, et rentrai…
Il était toujours là, assis de la même façon, les jambes bien tendues.
Mes amis commençaient à glousser, se moquant gentiment de moi. J’étais quand même prise de court. Je m’assis toujours dignement devant lui et d’un air narquois, il me demanda : il ne fait pas trop frais dehors ? Bon on reprend où en étions-nous ?
Et là, je fus prise d’un fou-rire nerveux suivi par plusieurs de mes collègues. Et lui –même se leva et me dit l’air très sérieux : aller, je vous ai assez ennuyée pour aujourd’hui je reviendrai demain………
Mon seul réflexe, éberluée devant son aplomb fut de répondre sottement : OK à demain…