Pour les Croqueurs de mots.
Qui n'a jamais aimé un objet démesurément (et pas seulement quand vous étiez enfant) ?
Qui n'a jamais cru qu'une machine pouvait avoir une personnalité ?
Qui n'a jamais personnifié un objet (en lui donnant un nom par exemple) ?
Qui n'a jamais parlé à une machine ?
Choisissez un objet / une machine et racontez- nous sa vie humanisée et ses relations avec vous (ou avec un autre humain) qu'elles soient positives ou négatives.
Comme il m’a manqué !
Je dirai comment mon réveil et moi avons tissé des liens d’amitié douloureuse
parfois.
Je n’ai pas toujours été gentille avec lui, il m’est arrivé de le battre, de le propulser contre le mur, mais n’est-ce pas cela aussi : aimer ?
Souffrir par ce que l’on aime est
la pire des choses qu’il peut arriver à un être
humain.
Je vous explique quand même pourquoi nous nous accrochions, car quand je mets des mots à la suite ainsi, cela ne semble pas très clair et pourtant !
J’avais aimé ses formes rebondies et ses deux macarons sur les côtés qui tintaient joyeusement dans la boutique d’antiquaire. J’avais eu le coup de foudre, vraiment, cela parait fou, mais il était magnifique. Bien sûr un peu vieilli, un peu patiné mais je me faisais forte de lui redonner toute sa belle allure.
Je l’avais d’abord lavé avec un savon non corrosif, essuyé délicatement et pris une peinture brillante ressemblant étrangement à la sienne. J’avais eu de la chance, alors avec mon pinceau qui me servait à faire mes aquarelles, je l’avais embelli, il était rutilant.
Tous les soirs je tournais le bouton qu’il avait dans le dos et joyeusement, je m’endormais. Nous étions en vacances. Souvent à la fin de la nuit, je le regardais avec ma lampe de poche et pouvait voir ainsi qu’il avait bien suivi la fuite du temps. Heureuse, je me rendormais car il m’annonçait toujours des horaires qui ne changeaient rien à mon sommeil. J’avais tout mon temps.
Hélas, tout a une fin. Les vacances étaient terminées et je rentrais dans mon petit appartement avec comme compagnon, ce magnifique objet.
Je lui parlais, le caressais et quand j’avais remonté complètement le système de sonnerie, je dormais tranquille. Je savais qu’il veillait sur moi et qu’il ne me laisserait pas
seule le lendemain matin.
La première fois, j’ai cru à une invasion de musiciens dans ma chambre. Il m’a fait sortir du lit, hirsute, hagarde mais je l’ai
regardé avec attendrissement. Il avait fait son boulot. J’étais à l’heure à mon bureau ce matin-là. Je
dois bien avouer que pendant toute la durée de
notre complicité, je ne suis pas arrivée une seule fois en retard.
Mais je n’en pouvais plus. Il était trop bruyant. Me faire ainsi sursauter
tous les matins, c'était trop. J’essayais de lui dire de
sonner moins fort. Rien n’y faisait.
A cause de son âge son doute, la sonnerie n’était plus réglable. Alors, je pris une grande décision :
J’allais m’en débarrasser et vite ! Deux ans de vie commune, je ne le supportais plus et pourtant Dieu m’est témoin que je l’ai adoré.
Alors samedi dernier… je suis allée chez l’antiquaire et lui ai rendu. Il m’a affirmé qu’il le garderait au cas où je changerais d’avis. Mais non, c’est trop dur.
J’ai du mal à supporter son absence mais je tiens bon. Cette saloperie de réveil à piles me joue
maintenant un air de musique douce pour me réveiller.
Ça fait dix jours que je l’ai et je suis arrivée trois
fois en retard au boulot.
Je vais aller rechercher le mien chez l’antiquaire. J’essaierai d’être plus tolérante avec
lui….Il faisait cela pour mon bien…
Je n’aurais jamais dû le laisser seul chez cet antiquaire, pourvu qu’il me reconnaisse…
MC