Défi 173 : Croqueurs de mots
On vous a servi un breuvage qui vous a statufié sur un banc public. Racontez ce que vous voyez ou entendez ou même ce qui se passe dans votre tête.
En dehors du temps
Je suis bien. Je n’ai jamais été aussi bien. Mes douleurs aux genoux ont disparu et je suis comme dans un rêve. Près de moi sur ce banc, dans ce square que je ne connais pas, est venu s’installer un vieux monsieur. Je dis vieux car il doit avoir mon âge.
Il est vêtu comme en plein hiver et pourtant nous sommes au mois de Juillet. D’ailleurs, il s’essuie régulièrement le visage avec un bout de sopalin qu’il déchire consciencieusement du rouleau qu’il a posé entre nous deux. Il me parle, me dit qu’il fait frais pour la saison, que l’on endure une petite chauffe le soir et qu’il est heureux d’avoir acheté des sachets de verveine. Il en boit une en rentrant et ça lui fait du bien aux os. Je l’écoute béatement, un demi sourire sur les lèvres, mais en fait je me fiche éperdument de ce brave homme. Comme je vous l’ai dit je me sens merveilleusement bien, je me sens très bien.
Un jeune enfant passe près du banc et me lance son ballon. Je ne le rattrape pas. Le gosse s’énerve : joue Madame !
Toujours mon sourire béat, mais pas un mouvement, pas un geste. Le petit s’enhardit ; il me tâte les mains et téméraire vient jusqu’à me tirer les cheveux. Je ne bouge toujours pas
— Maman, la dame est froide ;
— mais non voyons tu vois bien qu’il s’agit d’une statue.
- Mais alors pourquoi elle sourit ?
— Allez viens, tu m’en demandes trop !
— Maman, Mama, tu as raison, i l y a même un pigeon qui vient de faire caca sur sa tête !
- — Alors tu vois !
A ce moment -là c’est moi qui me réveille, je sors de cette léthargie passagère due sans doute à mon âge ou à ce truc bizarre que m’a fait boire Eliane, et je me lève d’un bond. Le gamin coure encore….