j'ai participé à ce concours et ma nouvelle a été retenue pour figurer dans un recueil collectif
je suis ravie de vous la faire connaitre ici:
Ça devait arriver
Le ciel noircissait de plus en plus et il n’était que trois heures de l’après-midi. C’était ainsi depuis que dans le ciel ils avaient installé des caméras. Dès que la clarté était trop intense, un système très complexe baissait la luminosité. Il fallait économiser l’énergie, nous n’avions plus que le ciel pour nous en donner.
La dernière guerre avait tout détruit. Des années de recherches contre le cancer, le sida, l’arthrose, tout avait été pulvérisé. Les ordinateurs broyés, massacrés et pire détruits sans aucun moyen de retrouver les données.
Nos villes, nos campagnes ressemblaient à une page sans fin de sable vert.
Toute la planète avait été touchée. Des astronautes qui s’étaient installés sur la lune il y a vingt ans ont pu, heureusement sauver des vies humaines en nous rapatriant dans le ciel. Ma mère dit toujours dans le ciel mais en réalité il s’agit d’une plate-forme très épaisse en matériau inconnu qui nous contient tous.
Inutile de préciser que nous sommes les uns sur les autres, entremêlés à plat ventre. On ne peut faire autrement sinon nous tomberions, il n’y a pas de barrières autour de nous. Nous sommes ravitaillés par des robots qui nous lancent des gélules. Personne n’a eu le temps de nous expliquer leur contenu. Alors nous prenons cela en coupe-faim, en boisson ou pire en médicaments. Beaucoup d’entre nous sont devenus tout verts. Des radiations sans doute. Du moins il y a cinquante ans on appelait cela ainsi mais avec tous les progrès que nous avons vu naître, en réalité on ne sait plus trop s’il s’agit de radiations ou tout simplement les résultats de la grande misère. Car ce n’est pas par hasard que cela nous est arrivé. Notre planète mourait, étouffée asphyxiée par les pesticides, les anti-fleurs, les anti-mauvaises herbes, les vaccins à outrance, les arrosages intempestifs, les tue-fourmis, tue-mouches, j’en passe et nos oiseaux tombaient tous à force de manger et de boire la pollution humaine à outrance.
Plusieurs fois, des colloques avaient eu lieu entre toutes les nations mais les pays riches se refusaient à écouter le bon sens de ceux qui n’avaient que peu de terre et d’eau. Nous croulions sous l’abondance de nos récoltes, nous jetions de la nourriture dans les rivières et la mer. Oh ! Ne croyez pas que c’était pour nourrir les poissons, au contraire, c’était pour tirer encore et encore des tonnes de litres d’eau pour arroser, faire des piscines, et surtout noyer les bêtes qui gênaient, celles que l’on disaient nuisibles : les abeilles, les guêpes, les taons parce qu’ils piquaient, les loups, les bêtes sauvages parce qu’elles mangeaient nos animaux domestiques que nous élevions par centaines dans des batteries ; bref nous étions en super abondance de tout jusqu’au jour où…
Un déséquilibre important de la nature fut constaté par des experts. Il fallait réduire notre consommation car nous allions tous mourir d’après eux. Personne ne les crut bien sûr. Trop imbus de notre puissance, nous continuions à envahir de plus en plus de pays pour satisfaire nos besoins du moins nos envies.
Quand un grand chercheur est venu faire une conférence et nous a demandé ce que nous souhaitions. D’un seul élan nous avons répondu : nous voulons tout. Et nous l’avons pris… nous étions très riches et cela n’a pas été un problème pour acheter d’autres pays. Un homme s’éleva contre nos méthodes, il était d’Afrique et racontait, du moins inventait –car nous n’y croyions pas- que nous allions tous « crever » c’est le mot qu’il a employé. Nous avions entendu ce discours sur notre petit bracelet électronique et nous avions tous ricané. Un africain qui nous menace ? Mais il veut combien ? Qu’il dise son prix on paiera et ensuite on le tuera rien de plus simple, on récupérera ainsi notre argent.
Hélas, nous n’avions pas prévu qu’il nous menaçait vraiment et un matin….
Tout bascula. Je passe sur l’horreur de ce qui suivit. Plus rien, rasé plus de terre, plus de bêtes, plus d’hommes, plus d’enfants, quelques femmes mais peu. On vint nous chercher dans des espèces d’avions sans ailes et on nous installa là où je vous ai dit. Depuis soixante ans, nous stagnons rampant sur le sol, sans argent car ceux qui nous tiennent et nous ont « sauvés » nous ont pris le peu que nous avions emmené.
Ils sont sur la Lune, heureux. Ils refont ce qu’ils ont fait sur la planète terre. Ils polluent, ils massacrent, ils empoisonnent et prennent du bon temps avec nos femmes.
Ils les paient bien alors elles acceptent. Il n’y a pratiquement plus d’hommes valides ici. Quelques vieux, quelques gamins qui deviendront des hommes et des femmes pour faire des enfants à nos bourreaux.
Mais si l’on doit payer, nous paierons. L’argent a toujours aidé dans les grandes décisions.
On nous a bien dit que nous n’étions pas prêts de retrouver notre planète et on nous a dit aussi que toute notre vie nous ramperions devant les nantis de la Lune…
L’important n’est-il pas de vivre ? Même si cela coute cher ? Même si nous devons être leurs esclaves ….