Défi 204 : Robert
Nous fêterons la Saint Robert !
A vous de nous parler des Roberts célèbres ou non, du petit Robert, de la ville de Robert, des roberts, que sais-je encore… !!! En prose ou en rime, et surtout de tenter de nous faire sourire.
Robert le cancre
Le jour où j’ai rencontré Robert, il venait juste de débarquer de sa ferme natale. Ses parents l’avaient envoyé à la ville, chez nous, afin que nous le logions quelques semaines en attendant qu’il trouve un travail.
Ce ne fut pas simple car il faut dire que ce brave garçon ne savait pas lire. Quand il fallut remplir sa lettre de motivation, je décidai de taire cet handicap en me jurant que je ferai tout pour lui apprendre rapidement à se débrouiller
Sa mère était ma sœur et elle avait fait ce que l’on appelait à l’époque un beau mariage. Le cultivateur du village possédait pratiquement toutes les terres aux alentours et se pavanait dans sa BMW toute la journée pendant que deux garçons s’occupaient des tracteurs, des semailles, de la fenaison, de la moisson, bref de tout ce qui se fait dans une ferme.
Ma sœur qui adorait son gros nounours comme elle l’appelait prenait soin des bêtes. Ils avaient depuis longtemps arrêté l’élevage des bovins et avaient par contre un beau cheptel de volailles, très prisées par les ménagères.
Hélas, il y avait Robert. Que faire de ce gamin qui passait ses journées à regarder le ciel et à chantonner assis au bord du champ où s’escrimaient les deux ouvriers agricoles. Jamais un coup de mains, jamais une aide. Il se goinfrait des casse-croutes mais surtout ne partageait pas. En fait il était odieux et pas du tout apprécié. Il le savait et il disait souvent « : ils ne m’aiment pas ? Je m’en fous moi non plus.
C’est donc ce jeune homme de vingt-cinq ans que je devais prendre en charge pour quelques semaines. Rodolphe et moi n’étions pas spécialement emballés mais bon, nous n’avions pas d’enfants et ce jeune homme pouvait s’améliorer sans doute au contact de gens différents et surtout disponibles pour lui.
Un jour je rentrais de faire mes courses et j’en avais profité pour acheter un « petit Robert ». Cela me serait plus simple pour lui expliquer les mots.
Quand il déballa le paquet cadeau que m’avait fait gentiment la vendeuse, il s’écria : mais c’est moi, c’est moi qui l’ai écrit et pourquoi ils m’ont mis que j’étais petit je suis grand je mesure un mètre quatre-vingt !
Il paraissait horrifié que l’on ait pu lui faire « ça » Comment avaient-ils osé ! Il criait, vociférait et se mit à pleurer en répétant : je ne suis pas petit, je ne suis pas petit.
Vous imaginez dans quelle galère je me retrouvais ? Allez donc lui expliquer sans le froisser qu’il s’agissait d’un livre et qu’avec ce livre j’allais lui apprendre à lire et écrire ?
Quand mon mari rentra, je lui expliquai ce qui s’était passé cet après-midi et il s’est mis à rire.
- Tu aurais dû acheter le petit Larousse, me dit-il, hilare.
- C’est que tu ne connais pas Robert, il trouvera encore autre chose, en fait je crois qu’il ne veut pas apprendre, c’est un paresseux ?
J’étais furieuse. Je téléphonai à ma sœur pour lui expliquer et vous savez ce qu’elle m’a répondu ?
- Tu es vraiment incroyable, tu connais son prénom et tu le nargues en achetant un dictionnaire du même nom.
- Mais je ne le croyais pas assez bête pour penser cela !
- On voit que tu n’as pas d’enfants, regarde Robert De Niro il a appris à lire sans dictionnaire mais avec une femme qui avait envie de le faire sortir de sa misère.
Je raccrochai, ma sœur était aussi folle que son fils ! Elle mélangeait les films et la vie, pas étonnant que son Robert soit ignare.
Je décidai d’arrêter là, et je le reconduisis à la gare. Arrivée sur le quai, il m’a regardé bizarrement et m’a dit : tu sais que tu es très jolie et en plus tu as de beaux petits roberts. Je craquai, le plantai là et partit en courant et surtout en riant ! Ah ! Ça, il savait ce que c’était plus que les mots du dictionnaire ! Quel pitre ce Robert !