Cette photo a été prise le 6 juillet à 10h54, vous, vous êtes passés par là, à 11h02, en un instantané, en vers, prose, photo*, dessin*, peinture*, montrez-nous précisément ce que vous, vous avez vu et peut-être entendu … (vous n'êtes nullement obligés de prendre cette photo au premier degré.)
Il ne faut pas rêver
Ce pré, je le connaissais par cœur, c’est là que je venais parfois chercher des pissenlits pour mes lapins quand il n’y avait pas de vaches. Ce jour-là, je fus surprise de voir des traces de terre partout comme si ce pré avait été labouré. Pourtant ce matin encore, quand je revenais de la messe, vers 10h54 ce dimanche 6 juillet, elles avaient beuglé en me voyant sur la route. Je leur avais même dit : allons les filles ne courrez pas comme ça vers moi, je n’ai rien à vous donner !
Et là, alors que je revenais sur mes pas, ayant oublié mon missel sur mon banc, vers 11h passés de deux minutes, je suis formelle car je regarde toujours l’heure, puisque le clocher est visible de toutes les routes du village, donc je disais qu’environ 8 minutes plus tard … plus de vaches !
Un comble car franchement, elles avaient disparu. Comment cela pouvait-il se produire ? Pourquoi avait-elle quitté l’enclos ? car elles s’étaient sauvées, cela ne pouvait être autrement , le fil de fer barbelé était à terre et des traces de boue maculaient la petite route goudronnée qui passait juste devant.
Et puis la mémoire me revint. Pendant qu’elles arrivaient vers moi en galopant, une déflagration s’était fait entendre. Sur le coup j’ai pensé que c’était encore une carrière qu’ils faisaient sauter pour construire l’autoroute. Ils n’arrêtaient pas de nous faire sursauter avec leurs pétards, enfin leurs bombes devrait-on dire !
Mais cela ne me disait pas où étaient allées ces pauvres bêtes effrayées. Je devrais les apercevoir, elles n’avaient pas pu faire des kilomètres comme ça dans la nature sans que quelqu’un réagisse. Je me retournais pour essayer de comprendre ou du moins apercevoir quelque chose ou un villageois quand j’entendis comme un meuglement plaintif, paraissant venir de très loin.
Je courais vite vers l’endroit d’où cela semblait provenir et là je m’arrêtais net, foudroyée par la stupeur et la peur.
La route n’existait plus. Un trou énorme, d’une profondeur incroyable la condamnait.
Je n’osais m’approcher de peur de tomber et malgré tout, la curiosité fut la plus forte. Avec mille précautions j’essayais de ramper au bord de ce trou ! Mais là… je tombais.
Toutes les vaches étaient là. Au fond à des centaines de mètres. Sans une égratignure, pas une patte brisée. L’une d’elle m’interpella : viens Séraphine, viens si tu savais comme on est bien ici, il y a des champs entiers d’herbe verte, des fruits pour toi, des légumes, des lapins, des chats, des chiens mais pas un seul être humain. Un paradis pour vaches tu sais !
Mais moi que vais-je faire ici ?
Nous traire et nous te ferons du bon lait.
Certes, pensais-je en essayant de trouver quand même une sortie, mais je ne survivrais surement pas longtemps sans mes gouttes pour ma tension, essayais-je de leur dire.
Je fus réveillée par une détonation. Des cris dans la rue me firent me lever en vitesse et ouvrir mes volets.
— Séraphine viens vite, nos vaches se sont dispersées dans la pâture du père Jaron, il va encore sortir son fusil et nous en blesser une ! Ce sont ces satanés travaux qui leur font peur ! On commence à en avoir marre. Et toi, tu ronfles pendant ce temps ? Ça ne te réveille pas ?
— Non en fait, cela me fait faire des cauchemars, mais je dors…
(Enfin je crois que j’ai rêvé tout cela. Si non je suis bonne pour l’hospice !!!)