DEFI 59
Thème : « Les grandes vacances de votre enfance »
C’était chouette !
— Au revoir les enfants et revenez en pleine forme, bonnes vacances à tous !
— Merci Madame, vous aussi !
Mais nous n’étions déjà plus là. La porte de l’école communale franchie, on hurlait de joie en piétinant l’herbe de la place du village.
Certains d’entre nous allaient partir à la mer ou à la montagne ou encore dans de la famille, mais ailleurs.
Pour nombre d’entre nous, nos vacances c’étaient les champs de blé, de pommes de terre, d’haricots verts. Pour ces légumes, la conserverie étant à la ville voisine, toute la production des champs avoisinants lui était vendue.
Pendant quelques jours, nous nous reposions, c’est-à-dire qu’en fait, nous faisions les fous à vélo dans les chemins de terre et nous riions, heureux.
Mais dès le 14 juillet, ça devenait sérieux.
Un fermier du village avait prévenu nos parents qu’il comptait sur eux pour lui envoyer les petits et petites de dix ans à quatorze ans pour l’aider à la cueillette des haricots verts.
Personne ne manquait à l’appel.
Le lundi suivant, à sept heures du matin, il fallait être prêt. Alors nous étions une douzaine dans la cour de ferme, debout comme des petits soldats, bien couverts car les matins étaient frais en juillet en Picardie. La fermière attendait et nous accompagnait à la fontaine nous laver les mains puis criait :
— Allez les enfants à table !
Sur une grande table sous une véranda était préparé notre déjeuner : du café, du lait, du gros pain, du beurre, de la confiture ! Un délice, certains d’entre nous n’avaient pas la moitié de tout cela chez eux, aussi c’était du pur bonheur.
Puis le fermier et ses deux fils, nous emmenaient avec le cheval et le chariot sur lequel nous nous asseyions, les jambes dans le vide.
Deux ouvrières agricoles étaient déjà sur place et nous expliquaient comment faire. Tous en rangs face aux lignes nous devions cueillir les haricots et les mettre dans des paniers, mais surtout ne pas toucher les petits, ce sera pour un second tour !
Nous étions un peu fourbus le premier jour, mais la fermière savait nous prendre : un repas copieux et des énormes tartes aux cerises nous faisaient oublier nos douleurs, et l’après-midi nous repartions toujours aussi vaillants.
Vers 16 heures, c’était le goûter : encore un plaisir de plus : des tartines de gros pain beurrées avec du cacao en poudre dessus : humm !
Inutile de préciser que le soir en rentrant à la maison, une petite soupe suffisait et nous allions au lit sans rechigner !
Cette récolte de haricots verts durait environ deux semaines. Après quelques
jours passés à faire les fous pendant que nous allions
cueillir les pissenlits pour nos lapins, nous passions à la moisson.
En ce qui nous concernait, nous ne faisions que glaner mais ce qui veut dire que là encore, nous ramenions des gerbes aussi lourdes que nous soit à vélo, soit dans des
brouettes soit sur le dos. C’était toujours la même bande, nous ne nous quittions plus.
Vers fin aout, commençait le ramassage des pommes de terre. Tous en rangs derrière une fois de plus, nous ramassions les pommes de terre qu’une machine tirée par un cheval déterraient et laissaient au sol. Nous étions payés au nombre de sacs, alors vous imaginez que nous ne chômions pas ! Pas question d’aider le copain à porter son seau, chacun courait vider le sien bien rempli.
Enfin, la rentrée s’annonçait. Il ne nous restait plus que quelques jours pour faire du vélo, parler, rire et.. il y avait toujours une mauvaise herbe dans le jardin qu’il fallait biner…
J’ai le souvenir de ces « grandes »vacances comme si c’était hier, et surtout du premier jour de rentrée quand nous pouffions à la récréation en racontant nos exploits à nos pauvres camarades qui s’étaient ennuyés seuls avec leurs parents, sur des plages déjà surpeuplées. Nous étions les plus heureux, c’est certain. Il n’y avait qu’à regarder nos belles couleurs et nos bras et jambes bien musclés. Car, mine de rien, il fallait de la force, pour porter les seaux de patates et les gerbes de blé mal ficelées !
J’avais entre dix et quatorze ans, je ne faisais ni équitation, ni natation, ni tennis, ni randonnées en montagne, mais comme j’étais heureuse avec ma vieille bécane sur les chemins creux, et mes copains et copines !
Fin