Une belle rencontre, dans une des circonstances suivantes, au choix :
- en promenant son chien, ou tout autre animal favori,
- en attendant ses enfants à la sortie de l’école,
- en patientant dans une file d’attente.
Par “belle rencontre”, j’entends : pittoresque ou étonnante ou décisive.
Mon vieux curé
Je piaffais d’impatience à la caisse du Carrefour de ma ville quand une main me frôla l’épaule.
— Bonjour Madame.
Je n’étais pas d’humeur, que me voulait cet homme ? Car forcément cette voix grave était celle d’un homme. Je ne me retournais pas tout de suite, exprès pour bien lui montrer que l’on ne m’interpelle pas ainsi. Je suis une femme sérieuse. Je suis mariée, j’ai deux enfants, encore en âge de procréer, alors que l’on me fiche la paix. Je ne cherche aucune aventure, bien au contraire, car comme le veut mon éducation, j’ai juré fidélité à l’homme qui partage ma vie. Mais revenons à cette journée que je n’oublierai jamais.
Au bout d’une minute — c’est long une minute lorsque l’on attend— il me frappa de nouveau sur l’épaule et cette fois se pencha vers moi en souriant. :
— Alors on fait la fière ? On ne reconnait plus son vieux curé ?
Je rougis jusqu’à la pointe des cheveux, tellement gênée d’avoir eu des pensées malsaines vis à vis de cet homme.
Je me retournai enfin vers lui :
— Oh Monsieur l’Abbé ! Je ne vous aurais pas reconnu, mais que faites-vous là ?
— - Drôle de façon de me sauter au cou, petite Martine, tu te souviens quand même que nous avons eu de bons moments ensemble.
Je rougis de plus belle, la honte cette fois. Pourvu qu’il ne raconte pas tout haut notre aventure.
— Ne crains rien, ajouta-t-il en souriant, je ne dirai rien de plus, c’est notre secret.
Les autres clients commençaient à nous regarder, égrillards, ils attendaient que l’un de nous deux explique ce qui s’était passé. En tous cas ce ne sera pas moi !
— Tu te rends compte que ça fait maintenant plus de trente ans ? Tu dois avoir dans les trente- deux ans si je me souviens bien ?
— Oui en effet, répondis-je, évasive.
Et là, mon vieux curé qui lui, approchait au moins de quatre –vingt- dix ans, se retourna vers les clients qui faisaient la queue, et leur dit :
— Figurez-vous que cette jeune femme bien mise, m’a pissé dessus quand je l’ai baptisée et pire un jour de préparation à la communion, elle s’est isolée dans le confessionnal et a fait ses besoins.
Quand elle en est ressortie, elle s’est sauvée et n’a jamais voulu avouer que c’était elle.
— Alors aujourd’hui Martine, qu’il y a prescription, est-ce bien toi qui a fait ta grosse commission dans le confessionnal ?
Je ne savais plus où me mettre, les gens commençaient à rire. Certains dirent même : tout cela n’est qu’une question d’éducation, vous étiez une gosse mal élevée c’est tout.
Je ne pus me retenir j’envoyai tout valser à la caisse et me retournant vers le curé, je lui criai : oui c’était moi mais par contre c’était vous qui pissiez tous les jours sur la tombe du maire que vous ne pouviez pas voir !
Le curé devint tout pâle.
— Vous voyez l’abbé, moi aussi je peux déballer. Je ne vous salue pas et ne suis vraiment pas ravie de vous avoir retrouvé tant d’années plus tard. J’espère que d’autres occasions de ce genre ne se présenteront plus.
Très digne, laissant mon caddie et mes achats je repris mon sac en bandoulière et sortit du magasin me jurant de ne plus jamais y remettre les pieds.