Il faisait sombre, la fenêtre était ouverte mais le bruit de la rue était vraiment infernal. Un bouchon se formait au feu rouge juste en bas de l’immeuble et nous profitions des gaz d’échappement, de la musique à fond dans les voitures car naturellement les glaces étaient baissées. Une canicule, disaient les experts.
Nous étions samedi, des banlieusards venaient au grand magasin exotique en bas de la rue et faisaient dix fois le tour des pâtés de maison pour essayer de trouver une place pour se garer.
J’avais chaud, j’étais mal, je n’avais pas dormi de la nuit, réveillé dix fois par les voisins côté cour, qui avaient regardé le match de foot, Espagne/France ! Un concert de cris, de hurlements, de trompette, pendant, et après la fin. Qui a gagné ? Je m’en fiche, ce que je sais c’est que toutes fenêtres ouvertes, j’ai participé involontairement. Vers cinq heures du matin, quand enfin tout s’est calmé je n’ai pas pu me rendormir et je suis venu dans le salon essayer de terminer ma nuit assis dans mon fauteuil après m’être fait chauffer un café. Et là comme je vous le disais au début de ma déposition, les voitures se sont mises à klaxonner, et naturellement j’ai marché jusqu’à la fenêtre, histoire de prendre l’air. C’était pire et le comble, les camions- poubelles arrivaient. Les éboueurs couraient dans tous les sens, ramassaient des sacs, les jetaient dans la benne et donnaient un fort coup de sifflet pour que le conducteur avance.
Alors… Ben alors, vous avez l’air étonné ? J’ai craqué. Oui j’ai craqué. Je suis allé chercher ma carabine cachée au -dessus de l’armoire, je suis venu jusqu’à la fenêtre sur rue et j’ai tiré. Je n’ai pas eu de chance, je l’admets, j’ai blessé grièvement le clochard qui dormait d’un sommeil tranquille dans le renfoncement de l’immeuble d’en face.
Que voulez-vous que j’y fasse, ce n’est pas ma faute si des gens dorment dans la rue, allez donc demander à la mairie pourquoi ils n’ouvrent pas la salle de sports dont personne ne se sert depuis des années !
Je vois ce n’est pas votre problème, moi j’essayais simplement d’expliquer mon geste. Je ne cherche pas votre compassion, je sais aussi que vous n’en avez pas, du moins vous ne devez pas le dire.
Dans le fond moi j’ai de la chance, je suis un homme libre, je peux dire haut et fort, en prenant mes responsabilités :
Que je vous emmerde tous…